Le documentaire de Raoul Peck, I am not a Negro. I am not your Negro, a remis l’œuvre de James Baldwin en pleine lumière, avec trois rééditions et un livre  superbe reprenant les textes du film.

Le Mondea eu l’heureuse idée de demander à Christiane Taubira d’en faire la critique. L’ancienne garde des sceaux écrit :

« Par une pensée qui va, qui vient, s’attarde, se rétracte, Baldwin explore, fouille, épuise cette évidence récalcitrante : le Nègre fut inventé. Pourquoi ? Pour répondre à quel besoin, servir quelle sinistre nécessité ? (…) Baldwin décentre. Il n’y a pas une « Negro question » aux Etats-Unis, comme il n’y a pas en France de question noire. Baldwin décentre pour mieux recentrer. La question est celle de la violence institutionnelle et des mensonges que l’Amérique se raconte sur sa propre histoire, ses contes sur la conquête de l’Ouest, l’embellissement de ses crimes, l’escamotage de ses parjures, la sublimation de ses valeurs pourtant maculées dès la Déclaration d’Indépendance (1776), qui énonce l’égalité, pas seulement ontologique, mais à la fois immanente et transcendante : « All men are created equal. » Pas seulement nés, ‘’créés’’ ! (…) Baldwin décentre, recentre pour mieux concentrer. Le sujet, le seul sérieux, c’est le rapport de ce pays à la vérité. Ce sujet est celui de toutes les démocraties. La question des mémoires, de leur inscription diachronique et dialectique dans le récit national, est l’unique chemin fécond et, quoi qu’on en pense, paisible, vers l’Histoire mondiale de ces démocraties. »

Ces phrases sont magnifiques; le lénifiant discours du président de la République prononcé à Ouagadougou apparaît, comparativement, d’une si grande vacuité ! Comme James Baldwin, Christiane Taubira a souffert du racisme, du machisme et de la bassesse des politiciens de la droite la plus bête du monde. Elle lutte, elle s’impose par une intelligence fulgurante, elle est une femme pour qui les mots sont la meilleure arme.