Le décès de Jean d’Ormesson est l’occasion d’une débauche de louanges, parfois insupportables, parfois inconvenantes, qui ont déjà gommé des pans entiers du passé de l’écrivain.

Emmanuel Macron, par exemple, a mis sur la toile un ‘’tweet’’ hagiographique : « Il était le meilleur de l’esprit français, un mélange unique d’intelligence, d’élégance et de malice, un prince des lettres sachant ne jamais se prendre au sérieux. L’œil, le sourire, les mots de Jean d’Ormesson nous manquent déjà. »

Sans doute d’Ormesson était-il un écrivain qui n’avait jamais diabolisé Aragon, par exemple, au prétexte qu’il était communiste quand d‘autres bannissaient l’auteur des « Yeux d’Elsa ».

Mais doit-on oublier, pour autant, l’ancien directeur du Figaro ? Le réactionnaire absolu. Celui qui fut fustigé par Jean Ferrat en 1975 dans « Un air de liberté » :

« Les guerres du mensonge, les guerres coloniales/ C’est vous et vos pareils qui en êtes les tuteurs/ Quand vous les approuviez à longueur de journal/ Votre plume signait trente années de malheur. »

Le refrain était sans appel : « Ah monsieur d’Ormesson/ Vous osez déclarer/ qu’un air de liberté/ Flottait sur Saigon/ Avant que cette ville s’appelle Ville Ho-Chi-Minh »

Quant à la chute, elle est terrible pour le patron du journal de la droite réactionnaire : « Mais regardez-vous donc un matin dans une glace/ Patron du Figaro songez à Beaumarchais/ Il saute de sa tombe en faisant la grimace/ Les maîtres ont encore une âme de valet. »

Jean Ferrat, le poète, est mort ; les années ont passé, mais ses mots dérangent encore. On ne le censure plus, comme auparavant ; pire, on l’ignore son « air de liberté » et on lui préfère celui qu’Emmanuel Macron a sacré prince des lettres.