Le monde de Marine Le Pen est abject, mais les résultats de l’élection présidentielle posent d’innombrables questions. Par exemple, comment a-t-elle pu arriver en tête du scrutin dans plus de 20 000 communes alors que son parti n’a des élus que dans 0,8 % d’entre elles ?
Comment ceux qui n’ont rien ont-ils pu lui apporter leurs voix alors que son programme est avant tout anti-social ? Son activité à l’Assemblée nationale traduit son ancrage à la droite : elle a soutenu 57 propositions de loi visant les étrangers vivant en France ou à renforcer l’arsenal répressif, en votant par exemple la loi dite ‘’sécurité globale’’.
Elle a réussi à capter un électorat populaire sur la base d’un mensonge éhonté : elle se propose de sauver l’Etat-providence, sans impôts supplémentaires, par les économies faites en supprimant toutes les lois sociales en direction des travailleurs étrangers.
Son monde est abject, répugnant, mais il l’a placée en position d’être élue présidente de la République !
Peut-être a-t-elle capté de nombreux bulletins déposés par des ‘’travailleurs du click’’, c’est-à-dire les surexploités des plateformes. Peut-être seulement, car certains d’entre eux viennent d’enregistrer une victoire juridique historique grâce à la lutte collective pour laquelle le clan Le Pen n’a que mépris.
Le tribunal correctionnel de Paris, en effet, a lourdement condamné la plateforme de livraison de repas Deliveroo pour travail dissimulé, estimant que ses livreurs avaient un ‘’lien de subordination permanent’’.
La société Deliveroo France a été condamnée à l’amende maximum de 375 000 euros, ses dirigeants à des amendes allant de 30 000 à 10 000 euros et à de la prison avec sursis. Les 150 livreurs dans l’instance recevront des dommages et intérêts pour préjudice moral allant de 500 à 3 000 euros et leurs six syndicats recevront chacun 50 000 euros. Quant à l’Urssaf, qui a chiffré son préjudice d’arriérés de cotisations à 9,7 millions d’euros, elle sera indemnisée.
L’addition est sévère pour Deliveroo.
La décision du tribunal correctionnel sera suivie d’une procédure pour faire reconnaître le statut de salariés aux livreurs.
Les deux candidats à l’élection présidentielle n’évoqueront certainement pas cette décision au cours du débat télévisé de ce soir. Car c’est leur monde qui est condamné, celui de Marine Le Pen, la châtelaine du Parc de Montretout à Saint-Cloud (la résidence très fermée de quelques milliardaires), mais aussi celui d’Emmanuel Macron, le chantre de la start-up nation.
Ce monde-là, les citoyens n’en veulent plus ; cependant c’est ce monde-là qui va gouverner la France pendant cinq ans encore. « Putain, cinq ans! » comme s’esclaffait Jacques Chirac dans les Guignols de l’info sur Canal+.