Germaine de Staël subissait la censure de Napoléon en 1802 et s’exilait de l’autre côté du Rhin. C’est de là qu’elle publiait un essai, De l’Allemagne, après avoir rencontré Schiller, Goethe, notamment.
Elle avait été conquise par ces esprits brillants.
De l’Allemagne nous arrivent des informations qui auraient choqué Mme de Staël, mais plus encore Schiller et Goethe.
L’Allemagne, comme la France, s’est abandonnée aux financiers et a porté à sa tête une chancelière, ardente défendresse des grandes entreprises, de leurs actionnaires et de leurs dividendes.
Depuis quelques jours, les chaînes de télévision nous montrent un abattoir de porcs où le coronavirus a contaminé plus d’un millier des 6700 employés. On apprend que ceux-ci sont en grande majorité des Bulgares, des Roumains, des Polonais, salariés d’entreprises sous-traitantes, précaires avec des contrats d’esclaves et entassés dans des logements vétustes et insalubres.
Les conditions de travail sont exécrables, comme on peut l’imaginer : entassement sur les lignes de désossage, dans l’humidité et le froid, favorables à la propagation du coronavirus.
Les salaires sont, comme on peut l’imaginer, à la hauteur des conditions de travail, c’est-à-dire indécents.
L’Allemagne d’aujourd’hui si souvent montrée comme un modèle social préfère Zola à Schiller, Goethe ; cette situation est indigne d’une des plus riches nations de la planète ?
Le goût du lucre et l’odeur des dividendes a perverti l’entreprise familiale qui exploite l’abattoir Tönnies Fleisch de Rheda-Wiedenbrück. La famille Tönnies se déchire, paraît-il à propos de la gestion de l’entreprise. Mais les ouvriers venus de l’Est n’en ont pas entendu parler.
Les cadences de travail sont infernales : l’établissement abat 60 000 porcs par jour, 18 millions par an et se situe au cinquième rang des producteurs mondiaux de viande de porc. Aux yeux de la famille Tönnies, la course au gigantisme et au fric vaut bien quelques entorses aux lois du travail et au respect des ouvriers.
Le scandale secoue l’Allemagne et la famille Tönnies ; mais personne ne remet en cause ce modèle du capitalisme familial d’outre-Rhin. Les politiciens restent discrets, préférant parler de l’épidémie de coronavirus et de la deuxième vague. Il leur sera néanmoins difficile de taire longtemps les liens entre les conditions de travail et l’épidémie qui a amené la fermeture de l’abattoir. A la lutte des classes, encore bien vivante.
Le modèle allemand a pâli, mais est-on sûr qu’ailleurs ce soit mieux, notamment en France ?