Une tribune signée par dix spécialistes (anthropologues, sociologue, historien ou encore politiste), parue dans le Monde mériterait d’être portée à la connaissance du plus grand nombre. Et, en premier lieu, reprise par les médias du service public. Hélas, il n’en sera rien. France Télévisions a pris fait et cause pour le gouvernement et se complaît dans la ‘’macronie’’ et s’y vautre.
Dans cette tribune donc, les signataires constatent que « Depuis trente-six ans et les accords de Matignon (1988), la Nouvelle-Calédonie vivait dans la paix, et des avancées sociales, politiques, économiques considérables avaient été acquises, rendant de plus en plus réelle la construction d’une citoyenneté calédonienne. Et pourtant, il y a quelques jours, Louis Le Franc, le plus haut représentant de l’Etat français dans l’archipel, constatait : « On s’engage tout droit dans une guerre civile. » Qu’y a-t-il d’étonnant à cela, quand on considère la brutalité de la méthode choisie par Emmanuel Macron pour sortir de l’accord de Nouméa ratifié en 1988, celle du passage en force ? Le 23 novembre 2021, nous alertions dans une tribune publiée dans Le Monde sur les risques de la méthode choisie. »
Le constat est sévère pour le pouvoir de l’Elysée : « Car depuis 2021, qui peut encore croire à la neutralité d’un Etat prétendument « arbitre » ? De la nomination au gouvernement Borne de Sonia Backès, cheffe de file des loyalistes les plus radicaux, à la désignation du député calédonien Nicolas Metzdorf, anti-indépendantiste intransigeant et membre du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, comme rapporteur du projet de loi sur la modification du corps électoral, l’Etat français a pris fait et cause pour le camp loyaliste, quoi qu’en disent l’Elysée et Matignon. »
Les spécialistes se plaisent à reconnaître que le FLNKS « a pourtant fait preuve d’ouverture en acceptant de discuter d’un dégel partiel du corps électoral, fixé dans l’accord de Nouméa, à condition que ce point capital soit débattu au sein d’un accord global. Mais la réforme brutale imposée depuis Paris empêche tout dialogue serein sur l’avenir institutionnel de l’archipel. » En revanche, ils dénoncent la myopie des dirigeants français qui ne veulent pas voir les inégalités criantes dont souffre la population kanak et qui se traduit par l’explosion de sa jeunesse. Ils dénoncent aussi les déclarations d’Emmanuel Macron qui affirmait en 2023 que la France « ne saurait donc s’honorer d’être « à l’avant-garde de l’autodétermination des peuples », dans le cadre d’une stratégie Indo-Pacifique « respectueuse de l’histoire des peuples autochtones, respectueuse des cultures qui sont présentes, respectueuse des collectivités ». Il y a une distorsion entre les paroles et les actes que Macron ne veut pas voir.
Les signataires appellent en conclusion à une décolonisation négociée, impératif absolu, tout en s’interrogeant : « Que visent le gouvernement et le chef de l’Etat en persistant dans cette méthode ? », c’est-à-dire d’imposer la loi quoi qu’il en coûte.