J’ai déjà dit tout le mal que je pensais de Dominique Seux, de la rédaction du quotidien économique appartenant à Bernard Arnault, Les Echos, non pas quand il écrit dans son journal, mais quand il déverse ses refrains ultralibéraux comme éditorialiste dans le 7/9 de France Inter.

Le service public le paie, sans doute assez grassement, pour dire haut et fort ce qu’il écrit dans les Echos. Mais France Inter n’est ni une radio privée, ni un appendice des Echos, mais un service public ; l’aurait-on oublié ?

Certes, sa patronne, Sybil Veil, épouse d’un petit-fils de Simone Veil, a fréquenté l’ENA en même temps qu’Emmanuel Macron et fait campagne pour Sarkozy en 2007. Cela n’autorise pas pour autant Seux à confondre le 7/9 avec la rédaction des Echos.

Dominique Seux, donc, a pris parti de façon inouïe mercredi matin dans son éditorial, en contravention avec les principes professionnels du service public. Et personne n’était programmé dans le 7/9 pour lui porter la contradiction.

Son éditorial est reproduit intégralement ci-dessous :

« Le leader Insoumis a organisé hier une conférence de presse au cours de laquelle quatre de ses économistes se sont efforcés de convaincre du sérieux de leur programme radical. La démarche, qui consiste à ouvrir et nourrir la discussion, est salutaire. Et on reste stupéfait que les autres partis traitent les électeurs par-dessus la jambe en ne disant pas grand-chose ou rien – y compris Emmanuel Macron qui ne se dévoile ni sur les retraites ni sur les comptes publics. Cela ne témoigne pas d’une considération considérable pour le Parlement.

Une fois cela dit, ce qui est intéressant, c’est l’étrange conception qu’a la Nupes du fonctionnement de l’économie : de l’hydraulique et du ruissellement. Il suffirait d’ouvrir un robinet, celui des dépenses publiques, et la baignoire se remplirait d’emplois, de croissance et de redistribution. Jean-Luc Mélenchon prévoit 250 milliards d’euros de dépenses nouvelles par an. Ce serait du jamais vu, nettement plus aussi que ce qui a été fait pendant la crise du Covid puisque ce serait définitif.

Alors, est-ce que l’économie, c’est de l’hydraulique automatique ? En fait, pas vraiment : en 1982, çà n’a pas fonctionné comme cela ; vingt ans plus tard les 35 heures pour tout le monde ont créé beaucoup de problèmes ; et l’an dernier aux Etats-Unis, l’ouverture en grand du robinet à milliers de milliards par Joe Biden a aussi déclenché une inflation historique. Sans oublier que les robinets peuvent coincer aussi : augmenter les salaires tout en bloquant les prix, comme le propose Mélenchon, çà ne coule pas de source.

Et il y a le financement.

L’attention s’est focalisée sur le financement à court terme du programme par la dette. Le dirigeant Insoumis assume de provoquer une crise avec la Banque centrale européenne, l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne si c’est nécessaire. Tous, dit-il, ils devront plier, parce que la France est la France … Bien sûr. Mais la lecture de son bouclage financier montre qu’à terme, en face des 250 milliards de dépenses publiques nouvelles, il y aurait 267 milliards de recettes nouvelles pour l’Etat, dont 62 venant du surcroît de croissance. Et les 205 autres milliards ?

L’essentiel, explique l’équipe de campagne, viendrait d’une hausse des cotisations sociales et des impôts : suppression de niches, lutte contre la fraude fiscale, quotient familial, conjugal, cotisations retraites, impôt sur les sociétés et sur la fortune, taxe sur les transactions financières, etc. etc. Au total, ce ne serait pas un choc fiscal, mais un choc puissance 10 totalement inédit qui toucherait en réalité la majorité des Français… »

Ainsi, Seux commence par flatter la Nupes pour mieux assassiner, ensuite et plus longuement, son programme économique, selon un méthode éculée.

Dominique Seux était en campagne en toute impunité. Sybil Veil et Bernard Arnault ont dû se réjouir en l’entendant déblatérer ; les pauvres auditeurs, eux, ont subi sa logorrhée ultralibérale, celle qui prétend qu’il n’y a pas d’alternative à la politique de Macron. Il n’est donc guère étonnant qu’il ne comprenne pas une autre politique économique, celle défendue par la Nupes.

Une autre économie est possible ; une autre information aussi.