Je croyais (trop) naïvement que les riches et, plus généralement, ceux qui sont sortis des ‘’grandes écoles’’ et des établissements privés, étaient des gens bien élevés. Ne s’emportant jamais, ne jurant pas, maniant une langue châtiée, ne mettant pas les coudes sur la table, pratiquant la génuflexion (pas seulement à l’église) et le baisemain. Ce qu’on a appelé les bonnes manières.
Je croyais aussi que les jurons et l’impolitesse étaient l’apanage de ceux qui n’ont rien, des illettrés qui mangent avec leurs doigts, rotent et pètent.
Et voilà que je découvre un président de la République, Emmanuel Macron, qui insulte, multiplie les agressions verbales en direction de ceux qui ne sont rien, les fainéants, les chômeurs et ceux qui ne traversent pas la rue, les personnels féminins des abattoirs illettrées.
Au fond, chaque saillie du premier personnage de l’Etat traduit les sentiments de son monde, celui des riches, de ceux qui se prétendent intelligents et, à ce titre, ont reçu la mission de diriger les pauvres.
C’est le monde à l’envers. Un président de la République méprisant, on ne pouvait pas l’imaginer ; même De Gaulle avait plus de classe ; il se contentait de déclarer que les Français sont des veaux.
Et voilà que Macron fait école, mais ceux qui tentent de l’imiter sont encore plus grossiers que le premier de cordée.
C’est Benjamin Griveaux qui insulte son adversaire, Cédric Villani (et quelques autres) et envoie des images de son sexe. C’est Christophe Castaner qui insulte son ex-camarade Olivier Faure en s’immisçant dans sa vie privée. C’est Meyer Habib qui traite Clémentine Autain, Elsa Faucillon ou Esther Benbassa de « petites connes ».
Le mépris quitte aussi le cercle politique et gagne les médias. C’est LCI qui présente l’avocat Yassine Bouzrou coiffé d’un bonnet d’âne après être allé fouiller dans les poubelles de son passé scolaire. C’est BFM TV et Apolline de Malherbe qui agressent un autre avocat, Juan Branco, en lui lançant en direct :« Plus on vous entend et plus on se demande si Piotr Pavlenski n’est pas que l’exécutant et vous le manipulateur. »
Le mépris de ce monde du libéralisme est odieux, insupportable ; ses paroles sont d’une violence inouïe et renvoie à une violence institutionnelle.
Le climat entretenu par les riches, leurs relais politiques et leurs valets dans les médias renvoie à la délicieuse Françoise Héritier, anthropologue et ethnologue :
« La seule manière de sortir de la violence consisterait à prendre conscience des mécanismes de répulsion, d’exclusion, de haine ou encore de mépris afin de les réduire à néant grâce à une éducation de l’enfant relayée par tous. »
Il serait temps de retourner cette réflexion à tous les méprisants au pouvoir. Le peuple et ceux qui n’ont rien (seulement une politesse reconnue) ont une rude tâche : éduquer les premiers de cordée et leurs enfants. La tâche sera rude. Mais elle en vaut la peine ; le peuple doit se faire respecter et prendre le pouvoir pour connaître enfin des jours heureux, ainsi que des institutions démocratiques et polies.
Les riches au pouvoir ne lâcheront rien sans une lutte âpre et sans merci, certains d’être dans leur doit inaliénable ; ils manieront encore les insultes et étaleront leur mépris. Au pied du mur, ils n’hésiteront pas à sortir leurs forces de répression.