Un professeur d’histoire-géographie décapité ; l’horreur du geste est insupportable et nous n’en connaîtrons peut-être jamais les raisons profondes : l’assassin a été tué par la police privant la justice de ses mobiles et la société d’un examen de la situation d’une France qui sombre dans la répression aveugle plutôt que dans les tentatives de compréhension des situations.

D’où vient le mal ? Pourquoi ? Comment se transmet-il ? Comment une religion peut-elle pervertir à ce point les esprits ? Comment se nourrit-elle de la violence sociale ?

Ils sont nombreux à tout expliquer, sans savoir ou en détournant les explications. Je refuse de me joindre à eux. On ne me reprendra plus avec le ‘’Je suis Charlie’’. J’attends, au contraire, une réflexion pour expliquer ces gestes odieux et, hélas, définitifs, qui se multiplient. 

Nos sociétés contemporaines sombrent de plus en plus dans l’obscurantisme, alors que les sciences font accomplir des progrès dans de nombreux domaines ; à l’évidence pas au niveau de la réflexion individuelle et collective, malgré des enseignants admirables mais trop souvent démunis, voire méprisés et rejetés. Les islamistes dits radicaux ne sont pas les seuls ; sachons regarder autour de nous pour comprendre combien l’intolérance au quotidien alimente les manipulateurs au nom d’un dieu.

Un professeur a été décapité ; c’est l’horreur absolue. L’assassin s’en est pris au lieu où on s’instruit, où on aiguise son intelligence et où on apprend à penser par soi-même. Et à l’un de ceux qui apprennent à croire ou pas à un dieu, mais qui apprennent à vivre ensemble et à être un homme libre.

Notre système va tenter de s’affranchir de toute responsabilité dans cette nouvelle tragédie, alors qu’il a une large part de responsabilité dans le délitement de nos sociétés et dans la nouvelle vague d’obscurantisme qui déferle sur notre terre et provoque toutes ces sales guerres de religion auxquelles on assiste aujourd’hui.

L’écrivain Yannick Haenel, chroniqueur à Charlie Hebdo a signé un billet dans lequel il écrit notamment :

« Une phrase de Nietzsche me revient, elle dit : « Un homme offensé est un homme qui ment ». Les tueurs qui se disent offensés par les caricatures de Mahomet mentent pour justifier leur volonté de tuer ; ils mentent sur l’Islam, ils mentent sur Mahomet. Un homme qui aime sa religion, un homme qui chérit sa foi, que celle- ci soit musulmane, juive, catholique ou autre, n’est jamais offensé, surtout pas par l’humour. Un homme qui aime sa religion pense et parle avec les autres : il parle de ce qu’il aime, il parle de sa religion. Parlons de religion, pensons les religions. Continuons à enseigner, à comprendre, à expliquer, à écouter toutes les paroles. »

Mais pour cela il faut changer de système et donner la priorité à l’homme plutôt qu’à la finance, aux dividendes et ne plus prôner l’individualisme. Il faut revenir à Victor Hugo qui déclarait en 1848 :

« Il faudrait multiplier les écoles, les théâtres, les librairies. Il faudrait multiplier les maisons d’études pour les enfants, les maisons de lecture pour les hommes. Multiplier tous les établissements où l’on médite, on s’instruit, on se recueille, on apprend quelque chose, où l’on devient meilleur ; en un mot, il faudrait faire pénétrer de toutes parts la lumière dans l’esprit du peuple, car c’est par les ténèbres qu’on le perd. »

Son programme est toujours actuel. Hélas, trois fois hélas. Car Macron n’est pas habité par l’esprit de Victor Hugo, mais par l’esprit du CAC 40 et des premiers de cordée.

Unissons-nous pour faire pénétrer la lumière dans l’esprit du peuple pour que nous n’ayons plus à pleurer un professeur décapité.