Mort à Venise est le chef d’œuvre de Luchino Visconti. Le revoir même sur un écran de télévision provoque toujours la même émotion artistique.

Beauté formelle des images, toutes composées avec une rare minutie ; critique sans ambiguïté de la bourgeoisie ; thèmes de la décadence et de la vieillesse ; musique de Mahler sensuelle parfaitement adaptée à l’ambiance voulue par Thomas Mann dont le film s’inspire. Visconti a réalisé un film admirable. Il a filmé Venise comme personne ne l’avait fait jusque-là en parfaite harmonie avec l’esthétique romantique de l’œuvre de l’écrivain allemand ; les décors intérieurs sont aussi riches et raffinés que ceux du Guépard ou de Senso.

Mort à Venise offre à Dirk Bogarde son plus beau rôle. Tout en retenue, dans un film où les paroles sont rares (c’est à peine si on entend le son de la voix de Silvana Mangano !).

Tout est envoutant, jusqu’à la scène finale (inoubliable).

Un pur moment d’émotion et une leçon de cinéma dans lequel tous les cadrages et toutes les séquences sont nécessaires et s’enchaînent pour provoquer la réflexion et l’émotion.

Un chef d’œuvre comme le cinéma italien n’en fait plus, annihilé par un Silvio Berlusconi qui aurait dû écouter quelques dialogues du film. Bogarde-von Ascenbach dit : « Vois-tu Alfred, l’art est la source la plus noble de l’éducation. Et l’artiste lui-même doit être exemplaire, il doit être un modèle de force, de parfaite honnêteté. Il n’a pas le droit à l’ambiguïté. » Burns-Alfred lui offre cette réplique : « Mais l’art par essence est ambiguïté ! Et la musique, de tous les arts, le plus ambigu. Elle est l’ambiguïté systématique, scientifique. »

Tout est dit. Visconti est admirable.