Catherine Corsini et la situation sociale : en y étant confrontée, la réalisatrice a fait son plus beau film, La Fracture. On sort de la salle de cinéma ébranlé et plein d’interrogations sur les remèdes à trouver au plus vite.
Les crises que traverse la France, les gilets jaunes et l’hôpital ici, sont examinées avec une rare justesse, mêlant tragique et drame, humour et lutte des classes, rire et larmes, bref à l’image d’un pays ultralibéral qui sème le chaos.
Catherine Corsini filme à hauteur de femmes et d’hommes plongés dans les méfaits d’un Emmanuel Macron (et de ses prédécesseurs) sur tous les rouages du quotidien, et surtout son inhumanité et sa répression violente. L’hôpital est le concentré de toutes les crises.
La Fracture se déroule quasi exclusivement dans les urgences de l’hôpital Lariboisière (unité de lieu) et dénonce le quotidien des soignants grâce à une profusion de détails à relier entre eux pour faire argument. Ses dialogues n’oublient rien, à coups de petites phrases lâchées ici ou là. Le fil rouge, la séparation d’un couple de deux homosexuelles (formidables Valeria Bruni-Tedeschi et Marina Foïs) et leur rencontre avec un gilet jaune (excellent Pio Marmaï), laisse néanmoins quelques (grands) moments de respiration entre des séquences de tension d’une rare dureté d’où émergent tous les dysfonctionnements de la société et de la politique d’aujourd’hui.
Catherine Corsini a su saisir la vie d’un service d’urgences non plus au bord de la rupture, mais en plein débordement. Et on notera l’extraordinaire prestation de l’admirable Aïssatou Diallo-Sagna, aide-soignante dans son propre rôle.
La Fracture n’est cependant pas un film pessimiste ; il appelle à la révolte face à un pouvoir policier inhumain et incapable d’entendre les cris de détresse.
Les crises actuelles sont une source d’inspiration prisée de nombreux cinéastes d’aujourd’hui ; ils peuvent encore exprimer leur talent et leurs engagements ? Pour combien de temps encore quand on voit Bolloré dénoncer le financement du cinéma. Dénoncer l’ultralibéralisme et croire en un monde meilleur passera, c’est évident, par un cinéma social comme celui-ci.