Benjamin Stora, l’historien, a publié sur son blog un court texte à propos d’un article paru dans un hors-série de Valeurs actuelles d’octobre 2019 :

« Le numéro hors-série d’octobre 2019 de Valeurs actuelles sur « l’Algérie française » a consacré plusieurs pages à mon parcours sous le titre « Un historien officiel ». Cet article ne cite aucun titre de mes livres, et ne fait jamais référence (y compris pour les critiquer) aux thèmes de mes travaux comme l’histoire des juifs d’Algérie, l’histoire de Messali Hadj et la guerre des nationalistes algériens, ou encore l’histoire de François Mitterrand et des guillotinés à partir d’archives inédites, etc., etc.)… Mais il s’attarde sur d’autres aspects. Cet article est antisémite, voici pourquoi.

C’est le portrait d’un homme avide d’ambition et d’honneurs qui est ici dressé, hantant les couloirs du pouvoir, à la recherche de récompenses. C’est une description s’inscrivant dans la tradition classique antisémite des « juifs de cour » que l’on pouvait lire dans la presse d’extrême droite au moment de l’Affaire Dreyfus, par exemple à propos de Bernard Lazare.

C’est une attaque fondée sur une description de mon physique. Ma prise de poids, notion qui revient à trois reprises dans l’article, s’explique non par les épreuves traversées dans ma vie (la perte de ma fille victime d’un cancer, mes crises cardiaques, ou les violentes agressions venant du monde intégriste dans les années 1990), mais par ma progression dans les couloirs du pouvoir. Cette obsession sur mon poids suggère l’expression d’un enrichissement, qui peut également se lire dans la presse antisémite, appliquée par exemple à Adolphe Crémieux ou Léon Blum.

C’est une charge contre les intellectuels qui travaillent dans un cadre universitaire, donc qui fabriquent un « Système », et des histoires officielles. Là encore, la haine des intellectuels d’origine juive est une vieille recette, déjà appliquée à des hommes comme Jacques Attali (cité dans l’article).

A travers cet article d’un journaliste, ancien rédacteur en chef de Minute, on peut donc s’interroger sur la véritable nature de ce journal. »

Le torchon antisémite est exécrable et Benjamin Stora mérite tout notre soutien. Mais, après avoir lu la réponse, on ne peut pas s’empêcher de revenir sur la dizaine de pages d’interview que le président de la République a accordé à l’immonde magazine.

Emmanuel Macron ne pouvait pas ignorer à qui il s’adressait ; sa pensée était adaptée au public abonné à ce brûlot raciste. S’il avait tenu un discours inspiré par son maître Paul Ricoeur pour condamner les idées nauséeuses qui y sont étalées à longueur de colonnes, son interview aurait-elle eu la même place ? Aurait-elle été publiée ?

Emmanuel Macron est prêt à tout pour renouveler son bail à l’Elysée. Mais, comme l’écrit Le Monde : « Le jeu n’est pas sans risque. » Pour la démocratie.