Dominique Méda, professeur de sociologie et directrice de l’Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales à l’université Paris-Dauphine, tient une chronique dans le Monde. Récemment, elle y a rendu compte d’un rapport réalisé par des économistes du Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé) sur les aides aux entreprises. Travail particulièrement difficile, car « comme il n’existe aucun document administratif qui unifie l’ensemble de ces aides aux entreprises, aucun cadre harmonisé unifié permettant de suivre leur évolution dans le temps, les chercheurs ont dû reconstituer cette information. »Ou l’art de dissimuler les cadeaux somptuaires aux patrons !
Le rapport, relève Mme Méda, estime ces aides à plus de 157 milliards d’euros en 2019, soit 30 % du budget de l’Etat. Suffocant ! Mme >Méda note qu’on peut parler d’un « Etat-providence caché en faveur des entreprises ». Personne n’en doutait.
La sociologue note encore que « Le rapport distingue trois types d’aides publiques : les dépenses fiscales, consistant pour l’Etat à renoncer à un prélèvement qui lui est dû (61 milliards en 2019) ; les dépenses socio-fiscales, représentant les recettes auxquelles la Sécurité sociale doit renoncer (65 milliards) ; et enfin les dépenses budgétaires (32 milliards). Il met en évidence quatre résultats essentiels : la diminution des prélèvements sur les entreprises – le plus souvent justifiée par la volonté de renforcer leur compétitivité – a été compensée par un accroissement de ceux opérés sur les ménages ; l’efficacité de ces dépenses est très loin d’être prouvée ; ces aides sont la plupart du temps distribuées sans aucune condition, notamment environnementale ; il existe des moyens beaucoup plus intéressants pour l’Etat d’aider les entreprises. »
Les économistes lillois ont mis au jour un scandale d’Etat ; ils ont également émis des doutes sur l’efficacité de ces aides qui ont surtout permis « de renforcer les marges des entreprises en ne créant que très peu d’emplois, mais qui a pourtant été transformée en baisse pérenne de cotisations sociales. » Et parmi les suggestions du rapport, Dominique Méda a retenu que l’Etat pourrait utiliser plus efficacement la commande publique et accélérer la relocalisation d’activités et la reconversion de notre économie.
Juste l’inverse de ce que prévoit le budget pour 2023, adopté sans vote, mais avec dix recours au 49-3 ! Le rapport n’a sans doute pas été lu, ni à l’Elysée, ni à Bercy !