Gabriel Attal est un jeune homme bien né, comme il est coutume de dire pour les enfants des classes aisées. Son parcours politique est paraît-il sans faute ; à 33 ans, il a été successivement conseiller municipal de Vanves, député, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’éducation nationale, puis du premier ministre (porte-parole du gouvernement) et, aujourd’hui, ministre délégué chargé des comptes publics.

Où s’arrêtera donc celui qui a trahi la gauche, passant du parti socialiste (tendance Dominique Strauss-Kahn) à la République en marche sans état d’âme ?

Il vient de donner une interview au quotidien économique Les Echos, dans laquelle il fait l’étalage à la fois de son obéissance sans borne aux dogmes de celui qui l’a fait ministre et de son manque d’humour. L’exercice n’y prêtait guère quand il s’agissait de commenter les grandes lignes d’un budget d’un Etat lourdement affecté par la crise sanitaire et les effets de la guerre en Ukraine. 

On ne s’étonne pas si ses réponses sont 100 % pur jus macronien, mais elles sont un peu nébuleuses et à la limite du grotesque. Le jeune ministre n’hésite pas à prétendre que le projet de budget pour 2023 connaîtra une diminution de 2,5 % (une façon de suggérer qu’on gère bien le pays et qu’on reste soucieux de satisfaire les dogmes européens) tout en permettant une hausse inédite de 11,4 % des ministères de l’éducation, du travail et des solidarités, puis une augmentation de 6,1 milliards des budgets de la défense, de l’intérieur, de la justice et des affaires étrangères. Quant aux ministères de la transition environnementale, de la cohésion des territoires et de l’agriculture, ils verront, eux, leur enveloppe augmenter de 3,3 milliards.

Si je sais encore compter, le total des augmentations atteindra le montant rondelet de 20,8 milliards. Gabriel Attal se moque-t-il du monde ? Comment concilier baisse du budget de 2,5 % et augmentations conséquentes pour la dizaine de ministères les plus importants ?

Quand le journaliste des Echos demande où seront les chantiers d’économies, Gabriel Attal répond sans vergogne : réforme des retraites et assurance-chômage, alors que les dotations de l’Etat aux collectivités territoriales seront ‘’stabilisées’’. Ou le ministre des comptes publics ne sait pas compter et se permet de dire n’importe quoi, ou retraités et chômeurs seront réduits à la mendicité. Le roi Ubu règne-t-il à l’Elysée ?

Gabriel Attal embrouille le débat en affirmant que la santé (et notamment l’hôpital) sera prioritaire mais que les dépenses (votées dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale, PLFSS) doivent baisser de 0,4 % par an pendant tout le quinquennat au nom du pacte de stabilité ! Etrange !

Bref, le discours de Gabriel Attal est incompréhensible ; peut-être que le jeune homme bien né qui n’a pas fréquenté l’ENA comme Emmanuel Macron et ses conseillers, n’a pas bien intégrés leurs subtilités et leurs mensonges.

Le ministre des comptes publics a encore besoin des quelques leçons d’économie que Strauss-Kahn n’a pas eu le temps de lui donner. Le jeune Rastignac de la macronie a encore beaucoup à apprendre ; on attend avec impatience les mises au point de l’omniprésent Bruno Le Maire, qui ne tardera pas à réagir pour montrer qui est le vrai (et seul) ministre des finances.