Le 3 juin dernier, en recevant les organisateurs de la Trackmania Cup, compétition de jeu vidéo (ou e-sport), Emmanuel Macron a prononcé un discours qui a rempli d’effroi le monde du cinéma en quelques phrases : 

 « Vous avez dit, on veut des salles, on veut des stades, etc. Banco ! Mais il y a des tas de synergies à avoir avec le sport, avec la culture. On a des stades qui existent. On a des salles de cinéma qu’il faut réinventer ; complètement parce que le modèle est en train de changer. Les usages changent. Et donc, il ne faut pas rester tous bloqués en se disant, on va toujours aller voir un film, ce n’est pas à vos générations que je vais dire qu’on ne regarde plus le cinéma, les séries de la même façon qu’il y a même 5 ans, ou avant le Covid. On a des structures qui existent, qu’il faut complètement réinventer avec l’e-sport. »

Les salles de cinéma se sont vidées après leur fermeture pour cause de crise sanitaire et, depuis la levée des contraintes, elles n’ont pas retrouvé tout leur public. Le cinéma traverse une crise sans précédent dont les nouveaux investisseurs et les plateformes numériques sont largement responsables. Assurément, les compétitions de e-sport ne sauveront pas le cinéma ; le président de la République vient de condamner la fréquentation des salles et de renvoyer les jeunes devant leurs mobiles.

La recherche du ‘’blockbuster’’, film d’action à grand spectacle, précédée d’une campagne ‘’marketing’’ démesurée et accompagnée du lancement de produits dérivés, menace le cinéma d’auteur ou de genre, dont la France peut s’enorgueillir d’être le dernier producteur (au moins en Europe).

Les financiers ont pris le pouvoir dans l’industrie du cinéma et imposent leurs lois, celles du retour sur investissement, où l’art compte peu.

C’est dans ce contexte qu’on apprend que la Warner a décidé de ne pas distribuer une superproduction réalisée par les Belges Billal Fallah et Adil El Arbi, Batgirl.

Sa réalisation a déjà coûté entre 70 et 90 millions de dollars et le film restera dans sa boîte. Il ne sera ni visible en salle, ni diffusé sur les plateformes de streaming (par abonnement) de la Warner, HBO Max.

Les deux réalisateurs sont désespérés et une pétition est lancée.

Les raisons de cette ‘’censure’’ restent mystérieuses et incompréhensibles ; les dirigeants de Warner s’écharpent autour de la question de l’avenir du cinéma en salle ou en streaming. Mais cela n’explique pas tout.

Le magazine américain Variety a avancé une hypothèse plausible, rapportée par Télérama ; la raison de la non distribution serait purement financière : « L’abandon en rase campagne de Batgirl, mais aussi celui du long métrage d’animation Scoob ! : Holiday Haunt annoncé également en début de semaine alors qu’il était quasi terminé, pourrait permettre à Warner Bros Discovery de bénéficier d’une déduction fiscale importante, finalement plus avantageuse que l’exploitation commerciale des deux films. Il n’y a pas de petit profit… »

Aujourd’hui, il est une tâche urgente de sauver le cinéma en l’extirpant des griffes des purs financiers et de lui rendre toute sa dimension de 7e art. En revanche démontrer à Emmanuel Macron que l’e-sport ne doit pas prendre la place du cinéma dans les salles sera ardu ! Quant à lui faire admettre qu’il faut absolument maintenir le système d’aides qui a permis au cinéma français d’être ce qu’il est encore, sera une tâche titanesque.

Sauver le cinéma en vaut la peine !