C’est un avocat remarquable dont les plaidoiries enflammaient les prétoires et s’élevaient pour défendre les plus nobles causes. Avec un style incomparable, en employant les mots justes ; un style à l’opposé de celui d’un Dupond-Moretti tonitruant.
Pendant de très nombreuses années, il a été la voix des victimes injustement accusées, des exploités, paysans ou mineurs, des militants. Toujours fidèle aux justes causes. Henri Leclerc se portait toujours là où l’injustice faisait des dégâts irréparables et venait soutenir le faible contre le puissant.
A 86 ans, il n’est pas un vieillard cacochyme ; son œil pétille encore, son humour est encore ravageur. Sa langue parle clair. Il a écrit d’innombrables articles faisant émerger la complexité de notre société, ses turpitudes ; il a mis devant nos yeux toutes les violences d’un monde inégalitaire pour que les exploités prennent la pleine conscience de leurs chaînes et s’en défassent.
Il est de ces hommes simples (c’est-à-dire vrais et simplement honnêtes), d’une immense culture humaniste qui ont cherché à changer le monde. Pas à la place, mais avec ceux qui souffrent.
En cherchant un programme sur mon téléviseur, qui ne soit pas bêtifiant (et ce n’est pas facile aujourd’hui d’éviter Pascal Praud ou Cyril Hanouna, ou encore David Pujadas), je suis arrivé sur une inévitable émission où on débat de tout et de rien. Et, là, sublime bonheur, je suis tombé sur Henri Leclerc qui parlait clair. Lumineux.
Il a parlé de l’infantilisation des Français par nos gouvernants, sans éclat de voix, mais avec des mots justes, à propos de l’épidémie du coronavirus. Et je me suis rappelé ces quelques phrases de son discours prononcé à l’occasion du centenaire de la Ligue des Droits de l’Homme (LDH) en 1998 dont il était alors le président :
« Ils sont toujours là, nos vieux adversaires. Nous les connaissons bien. Ils s’appellent l’arbitraire qui menace les libertés, l’intolérance qui détruit la fraternité, le racisme qui nie l’égalité, l’individualisme qui tue le citoyen. Elle est toujours présente, la misère, cette insulte à la dignité. Et devant nous dressés, tous les pouvoirs dont on abuse, les conservatismes qui empêchent de rêver l’avenir, les puissances économiques qui préféreront toujours la conclusion d’un marché au respect d’un principe. »
Constat terrible. Vingt-deux ans plus tard, hélas, l’état de la société n’a pas changé ; malgré Henri Leclerc et d’autres les relations sociales semblent s’être figées ; pis, elles se sont dégradées.
Mais comme Stéphane Hessel, l’avocat nous invite à nous indigner encore, à lutter pour briser la mécanique des inégalités et du désespoir.