Dans un discours, devant un parterre d’ambassadrices et d’ambassadeurs, jour de rentrée scolaire, soit le 1erseptembre, un jeune président se livré à un exercice périlleux, persuader son auditoire de mener une mission nouvelle. Gageure que de faire bouger des diplomates ?

« Le monde a changé, a-t-il dit, et notre pays est souvent attaqué. Il est attaqué dans les opinions publiques par les réseaux sociaux et des manipulations. » Faut-il dare-dare convoquer un conseil de défense ?

Très attentifs, les ambassadrices et les ambassadeurs ont attendu sagement en quoi consistait cette mission nouvelle. Et le jeune président parla avec emphase d’une mission « pas simplement pour contrecarrer évidemment ces fausses informations, mais pour pouvoir les stopper de manière claire, au plus vite et porter les valorisations de nos propres actions. A cet égard, nous devons beaucoup mieux utiliser le réseau France Médias Monde, qui est absolument clé et qui doit être une force pour nous. Parce qu’il y a parfois un décalage conceptuel entre l’idée que nous nous faisons dans nos frontières de l’indépendance, ce qui est tout à fait légitime de la part des journalistes et des rédactions et la réalité à laquelle ces mêmes rédactions sont confrontées sur le terrain quand il y a des propagandes anti-françaises réelles. Nous avons besoin d’avoir des instruments de communication qui disent quand la France est attaquée à tort, qui disent ce que fait la France et qui relaient notre action. »

Les journalistes ont vitupéré contre les propos du jeune président, déclarant ne pas être des agents de sa propagande. Et ils se sont souvenus d’une conférence de presse d’un autre président, pas du tout jeune celui-là, qui, le 2 juillet 1970, avait déclaré : « L’information doit être libre, indépendante », mais ajoutant à destination des journalistes que leur parole « engage la France (…) Être journaliste à l’ORTF, ça n’est pas la même chose que d’être journaliste ailleurs. L’ORTF, qu’on le veuille ou non, c’est la voix de la France. C’est considéré comme tel à l’étranger et c’est considéré comme tel par le public. »

Il avait ajouté qu’il ne ne demandait pas aux journalistes de faire l’éloge du gouvernement (« Rien de plus ennuyeux pour les téléspectateurs ») mais qu’ils adoptent « une certaine hauteur de ton et de pensée ».

Etrange parallélisme des pensées présidentielles !

Quand un jeune président qui voulait tout bousculer (il avait même écrit un livre pour faire la révolution), emprunte les arguments à un vieux président, se piquant lui aussi de modernité, gaulliste emprunt de l’esprit d’indépendance nationale, on se dit que l’histoire bafouille et que nous voilà revenus en 1970, avec un service public de l’audiovisuel à la botte de l’Elysée. Et que ce billet est tout simplement l’histoire d’un jeune président qui avait des idées de vieux !