Peu m’importe la mauvaise réputation, je ne porterai pas le deuil de la reine Elizabeth, à l’inverse du service public de l’audiovisuel (télévision et radio, dans un même élan) qui s’est vautré dans l’information ‘’people’’.

Le journal de France 2 a battu tous les records en proposant une édition spéciale d’une longueur insensée. Mais en oubliant de parler de tout ce qui fait de la monarchie une réalité insupportable, surannée et dépassée.

Elizabeth est une de ces souveraines sans pouvoir réel dans une démocratie parlementaire et la longévité de son règne (sur quoi et sur qui ?) ne justifie en rien la place démesurée accordée à sa mort dans la presse française.

On a pu entendre qu’Elizabeth avait fait entrer la modernité dans son règne et qu’elle avait été au service de son pays en sacrifiant sa vie de famille. En oubliant de rappeler qu’elle avait fait la démonstration à la fois de son autoritarisme et de son esprit réactionnaire à plusieurs reprises (les amours de sa sœur Margaret, le divorce de la princesse Diana et le courage de son petit-fils Harry quittant la cour royale devenue étouffante pour lui et son épouse qui avait l’inconvénient de n’être née ni princesse, ni totalement blanche).

Les médias (et le service public en premier lieu) ont oublié de mentionner la fortune d’Elizabeth, actionnaire entre autres du gigantesque fonds d’investissement américain BlackRock. Aujourd’hui, on estime que le patrimoine royal, le Crown Estate, estimé à 23 milliards d’euros, en fait une famille parmi les plus riches du royaume, avec des immeubles à Londres, 11 000 hectares de forêts, des terres agricoles, etc. C’est sans doute cela qui est moderne ! Tant de richesse quand les inégalités n’ont jamais été aussi profondes dans le pays et les services publics mis à l’encan et désorganisés !

Les commentaires font également l’impasse sur le passé colonial du Royaume-Uni, ne disent rien du mutisme de la reine quand Margaret Thatcher refusa d’aider à mettre fin à l’apartheid en Afrique du Sud ou quand les forces britanniques commirent des actes sanglants en Irlande.

Pour brosser un portrait élogieux de la reine, le service public a fait une place de choix à un bonimenteur, royaliste assumé et ami du président de la République, au bagout exécrable, et même à Adélaïde de Clermont-Tonnerre, patronne de Point de vue, édité par Royalement Vôtre Editions (ça ne s’invente pas) société à laquelle est associée Artémis, la holding de la famille Pinault, autre empereur du luxe.

Que le service public d’une République fasse ainsi la promotion de la royauté est indécent. Même si le jeune président de notre République a estimé dans un délire dont il a le secret que « La démocratie comporte toujours une forme d’incomplétude, car elle ne se suffit pas à elle-même (…) Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. »

Le peuple de France, contrairement à Macron, s’est très bien habitué à l’absence de la figure du roi ; le peuple britannique, lui, continuera de subir, hélas, la dure loi de l’ultralibéralisme de sa nouvelle première ministre, sans Elizabeth, dont le trône ne cachait même pas la fortune.

La Restauration ?  L’Ancien Régime ? Non, merci.