A quoi sert l’école et l’université ? La question peut sembler absurde si on considère que l’éduction nationale est un investissement pour former les citoyens et leur permettre d’acquérir les savoirs fondamentaux et, selon le niveau atteint, à pouvoir s’adapter en permanence à un emploi. Cela signifie que l’université, par exemple, ne prépare pas à l’emploi des cadres et dirigeants chez Peugeot, Renault, à la BNP Paribas ou ailleurs, mais elle prépare à une formation générale et théorique pour s’intégrer à n’importe quel process de travail à une époque où les changements d’entreprises se multiplient au cours d’une carrière.

Les critiques sont aussi vieilles que le patronat : les jeunes ne sont pas assez préparés à la vie de leurs entreprises. Avec plus ou moins de véhémence. Car il y eut des époques où de nombreux patrons considéraient encore que l’entreprise devait être aussi un lieu de formation pour les jeunes diplômés récemment embauchés ou pour les changements de stratégies internes.

De sondage en sondage, et compte tenu de l’évolution du mode de gouvernance de l’entreprise à la mode libérale, chaque année les critiques se font plus virulentes : l’université doit évoluer et s’orienter vers davantage de ‘’professionnalisation’’, le grand mot est lâché ! Dans les entreprises, on veut des jeunes diplômés immédiatement opérationnels.  Sous ce prétexte fallacieux, de nombreux groupes ont créé des universités d’entreprises, à l’image d’Accor, de PSA, Gefco, Orange, Airbus, SNCR Réseau, Véolia, Capgimini, etc. Aujourd’hui, on dénombre environ une centaine d’universités d’entreprises en France et les initiateurs s’interrogent en permanence sur les évolutions leurs formations pour répondre à leurs besoins immédiats.

Trois enseignants en école de management de Lyon, Grenoble et Clermont-Ferrand ont signé une contribution sur le site The Conversation dans laquelle ils se sentent autoriser à affirmer que « les universités d’entreprises sont des acteurs clés du monde de l’éducation. » Au diable l’éducation nationale et l’université !

Leur argumentation ne surprend donc pas : « À l’heure où l’entreprise devient société à mission, où la responsabilité sociétale des entreprises (RSEest au cœur des réflexions stratégiques, elles jouent un rôle essentiel dans l’appropriation de cette dynamique historique nouvelle. En s’ouvrant sur la société, à un moment où incertitude, brouillard, ruptures et chocs sont devenus le quotidien des organisations, les universités d’entreprises pourront renforcer leurs capacités d’anticipation et leur légitimité, contribuant ainsi pour le meilleur à la performance durable de leur maison mère. »

Pour ‘’améliorer la performance de la maison-mère’’ et augmenter les dividendes, vive le libéralisme conquérant et vive ‘’l’université privée’’ !

Des sommes considérables sont ainsi détournées de la taxe dite d’apprentissage vers les universités privées au détriment des vraies universités, prétendument autonomes depuis la loi Pécresse ; manquant cruellement d’argent, ces dernières sont contraintes de se tourner vers des financements d’entreprises imposant des inflexions dans le contenu des diplômes.

C’est cela aussi, le libéralisme.