Michel Hidalgo est mort ; la nouvelle m’a profondément attristé parce que j’ai eu la chance de le côtoyer, d’avoir de longues discussions avec un homme merveilleux, doublé d’un entraîneur qui faisait aimer le jeu de football. J’ai partagé avec lui des engagements et une vision du monde, au-delà du football.

Michel Hidalgo était un homme sensible et intelligent, doux mais qui savait aussi prendre des décisions. Il est celui qui a redonné sa fierté au football français.

En 1976, il a eu l’intelligence de s’appuyer sur l’ossature de l’équipe de Saint-Etienne (le pays était en pleine vague verte) puis de lancer de jeunes joueurs dont il avait décelé le talent comme Michel Platini pour former « son » équipe nationale. Et, après la vague verte, la France a connu sa période bleue, réhabilitant le jeu de football en tournant le dos au football en bleu de chauffe, ennuyeux parce que défensif.

Il avait un enthousiasme communicatif qu’il a su faire partager à des joueurs de talent qui ne pensaient qu’à marquer des buts.

Il y a eu des jours heureux, mais comme le football n’est qu’un jeu et qu’il est pratiqué par des hommes, il y a eu des jours euphoriques et des jours moins glorieux. L’équipe de France ne gagnait pas toujours mais elle était attachante et crainte par les adversaires.

J’ai le souvenir de rencontres perdues, comme ce match Argentine-France à Buenos-Aires en 1978 qualifié d’anthologie. La France avait finalement laissé la victoire aux futurs champions du monde, mais son jeu avait enthousiasmé même les plus chauvins des Argentins. Comme ce match dramatique Allemagne-France de 1982 à Séville, perdu après des tirs au but. Mais il y eut aussi ce formidable France-Belgique du 16 juin 1984 à Nantes.

Ce jour-là, Michel Hidalgo avait innové en alignant trois « numéros 10 », comme on les appelait, à savoir Michel Platini, Alain Giresse et Bernard Genghini et trois défenseurs seulement. Il avait osé. Résultat ? Un match fou remporté 5-0 par les Bleus (avec 3 buts de Platini). On était bien loin de la demi-finale de la coupe du monde 2018, France-Belgique (1-0), triste à en mourir.

Michel Hidalgo aimait ses joueurs, avec lesquels il échangeait beaucoup ; il ne cessait de répéter qu’il avait toujours préféré le dialogue et la concertation.

Quand Michel Platini et Alain Giresse, évoluant dans des registres semblables, se crurent en concurrence pour jouer au même poste, Michel Hidalgo réussit à les convaincre qu’ils pouvaient jouer côte à côte. Quel bonheur !

J’ai encore d’autres souvenirs, beaucoup, mais l’un m’avait particulièrement marqué. Il m’avait confié à la fin d’une rencontre (laquelle ? Je ne sais plus ; foutue mémoire) où l’équipe de France était malmenée, avoir dit à ses joueurs à la mi-temps : « Faites-vous plaisir, jouez comme vous savez le faire ; si nous perdons, j’endosse toute la responsabilité de la défaite. » L’équipe avait réalisé une seconde période étonnante et gagné.

Michel Hidalgo, c’était le beau football, un jeu simple, avec la prime donnée à l’intelligence, tournant le dos à ce modèle défensif qu’on retrouve aujourd’hui avec Didier Deschamps. Mais Michel Hidalgo était un terrible gagneur ; il n’aimait pas perdre et ses joueurs, Platini, Bossis, Rocheteau, Six, Giresse, etc., ont vraiment adhéré à sa vision et partagé cette conception humaniste du football.

Alors, pour ces moments inoubliables en ta compagnie, merci Michel et au revoir.