Un maire a voulu fermer un local associatif abritant une bibliothèque. Le local est sauvé, mais les bibliothécaires, bénévoles, ont abandonné le travail éducatif qu’elles menaient depuis de nombreuses années avec les trois écoles du quartier et avec les adultes.
Laisser fermer une des entités du réseau Bibliothèque pour tous, c’est amputer le réseau de lecture publique de proximité. C’est aussi une grave faute pour un maire, quand les idées obscurantistes ont failli porter l’extrême droite au pouvoir ; c’est étouffer les idées, l’imagination, la pensée, la liberté.
La lecture est d’abord le décryptage des mots et des phrases puis la compréhension critique de ce qu’on lit. Georges Séguy, l’ancien secrétaire général de la CGT avait eu des mots forts et pertinents pour encourager à la lecture : « Rien ne peut remplacer le livre comme instrument de l’intelligence globale de la réalité en transformation. Il nous faut veiller à privilégier le livre, tout simplement parce qu’il reste aujourd’hui pour beaucoup de travailleurs le passeport obligatoire pour accéder à d’autres activités culturelles. » Aujourd’hui, l’acte de lecture doit commencer dès le plus jeune âge. Or, trop d’enfants n’ont pas de livres entre les mains.
Dans un poème (A qui la faute ?), Victor Hugo écrit quelques vers merveilleux qui portent encore aujourd’hui : « Une bibliothèque est un acte de foi / Des générations ténébreuses encore / Qui rendent dans la nuit témoignage à l’aurore (…) Le livre est là sur la hauteur / Il luit ; parce qu’il brille et qu’il les illumine / Il détruit l’échafaud, la guerre, la famine / Il parle, plus d’esclave et plus de paria. »
Le vieil Hugo a raison, la lecture est un acte de résistance et un acte d’émancipation, pour penser par soi-même. Bertrand Poirot-Delpech, de son côté, alertait déjà dans un article du Monde, ‘’Alerte à la barbarie’’ : « Rien ne remplacera jamais l’immersion silencieuse dans les caractères d’imprimerie de tous les temps, réservoir inépuisable de sens constamment renouvelés, des pensées les plus élaborées, des rêves les plus vertigineux. Faute de ce recours, oui, une forme insidieuse de régression barbare peut se produire, par disparition de tout recul philosophique et moral, par abêtissement du débat public, par exaltation de l’instinct – dont les plus sournois, le grégaire – et par effacement de la jubilation verbale, voie royale de la liberté, de l’égalité et de la fraternité. »
Avec le Rassemblement national et d’autres, très proches, la régression barbare, on y est. Alors, laisser fermer une bibliothèque pour quelques euros d’économies, c’est se placer aux côtés des barbares.
Le maire dont il est question, c’est celui d’Elancourt. Honte à lui !