Le cahier Science et médecine du Monde (toujours excellent) a publié un dossier sur l’inflammation qualifiée de mal du siècle. On a connu d’autres maladies, elles aussi qualifiées de mal du siècle, comme le SIDA, par exemple ; alors qu’est-ce qui peut justifier de placer l’inflammation au niveau des fléaux qui ont bouleversé la fin du siècle précédent et le début de l’actuel ?
La lecture du dossier est passionnante et, pour tout dire, inquiétante.
L’auteur, Florence Rosier, met en garde contre les dégâts que l’inflammation peut provoquer quand elle devient chronique, pouvant provoquer diabète, infarctus, accident vasculaire cérébral, obésité, cancers, asthme, maladies neuro-dégénératives, arthrite, etc. Quasiment le mal absolu qui provoque ce que les chercheurs qualifient de ‘’maladies de civilisation’’.
Les chercheurs, donc, se sont penchés assez récemment sur une question de santé publique pour tenter de comprendre. L’auteur cite Karine Clément, une spécialiste des maladies cardio-vasculaires à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière : « Nous sommes passés, en une centaine d’années, de l’ère des maladies infectieuses à l’ère de l’hygiène et des antibiotiques. »
Selon l’auteur, l’évolution de l’homme en a été bouleversée. L’être humain, au cours des centaines de milliers d’années, s’est adapté pour résister à toutes les agressions, maladies, écosystème, de son environnement. Il s’est forgé un système immunitaire adéquat et efficace. Mais, aujourd’hui, alors que nos modes de vie se sont modifiés à une allure vertigineuse depuis l’ère industrielle, notre système immunitaire n’a pas eu le temps de s’adapter. Son évolution, on le sait depuis Darwin, est lente, plus lente que ne l’ont été les modifications de nos modes de vie.
Florence Rosier prend l’exemple de l’adaptation de l’homme pour résister aux famines : « Il fallait stocker facilement le gras. Revers de la médaille aujourd’hui : une tendance au diabète et à l’obésité. » Les cellules de l’immunité sont alors activées et altèrent le fonctionnement de tous les organes, pouvant provoquer les maladies énumérées plus haut.
L’inflammation comme symptôme d’un dysfonctionnement de nos organismes sous l’effet du progrès, d’un environnement bouleversé ? Sans doute. Ce progrès, plus lent pour nos ancêtres, hyperrapide aujourd’hui, révélateur d’une écologie mal maîtrisée. Assurément.
Ne serions-nous pas, en définitive, victimes de la course au profit, du capitalisme et de notre soif de progrès à tout prix ?
Pour tout dire, le dossier est stupéfiant. Les chercheurs avancent à grand pas dans le traitement des différentes et nombreuses maladies provoquées par l’inflammation, qui est bien la maladie du siècle. Mais n’y a-t-il pas matière à réfléchir sur la place de l’homme dans la nature et sur le sens à donner au progrès ?