La situation est grave ; il n’est plus exclu que toute vie pourrait disparaître sur notre planète. Les scientifiques tirent le signal d’alarme ; réunis à Paris au siège de l’UNESCO, plus de 200 d’entre eux représentant 131 pays membres de la Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) ont validé la première évaluation mondiale des espèces menacées.
« La nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l’histoire humaine – et le taux d’extinction des espèces s’accélère, provoquant dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier », peut-on lire dans le texte adopté.
Le président de la plateforme a ajouté : « Les preuves accablantes contenues dans l’évaluation globale publiée par l’IPBES et obtenues à partir d’un large éventail de domaines de connaissance, présentent un panorama inquiétant. La santé des écosystèmes dont nous dépendons, ainsi que toutes les autres espèces, se dégrade plus vite que jamais. Nous sommes en train d’éroder les fondements mêmes de nos économies, nos moyens de subsistance, la sécurité alimentaire, la santé et la qualité de vie dans le monde entier».
Dans ses pages Débats & Controverses, L’Humanité a donné la parole à des chercheurs qui dénoncent le péril couru par la biodiversité. Renaud Scheifler, de l’université de Franche-Comté : « Cela va faire soixante ans que les scientifiques tirent la sonnette d’alarme à propos de la pollution, la deuxième ou troisième cause de réduction de la biodiversité après la destruction et la fragmentation des habitats, et à peu près ex-aequo avec l’introduction d’espèces invasives. »
En 1963, alors jeune enseignant et mis à disposition de la Ligue de l’enseignement, j’avais assisté à une conférence de Michel Cépède, professeur d’économie et de sociologie, professeur à l’Institut national agronomique. Ses travaux portaient essentiellement sur la faim dans le monde (il fut à ce titre nommé président de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture). Cet homme remarquable, engagé, m’avait impressionné en parlant d’écologie, alors que le mot (pourtant inventé au XIXe siècle) n’était pas à la mode. Michel Cépède m’avait ouvert à la cause écologique ce jour-là.
Près de 60 ans plus tard, les politiques n’ont pas avancé et Renaud Scheifler a toutes les raisons d’être indigné. Je partage son indignation.
Un autre scientifique, Franck Courchamp, directeur de recherche au CNRS et chercheur en écologie, dans les mêmes pages du journal, a livré des réflexions pleines de désabusement et de désillusion. Epuisé par une semaine de lourdes négociations au sein de l’UNESCO sur le texte de l’IPBES, il concède : « Je ne devrais pas être déprimé, tous ces chiffres je les connais. Toutes ces estimations, toutes ces projections, je travaille dessus tous les jours, je les enseigne aux étudiants, j’en produis même quelques-unes avec mon équipe. Sauf que c’est la première fois de ma vie que je vois rassemblé les chiffres, synthèses et prédictions de l’ensemble des indicateurs, de la totalité des écosystèmes, de tous les groupes animaux et végétaux, de tous les aspects du vivant. Et tous sont tellement mal en point qu’en prendre réellement conscience donne à la fois le vertige et la nausée. ‘’Chaque jour, un million de tonnes de métaux lourds, solvants, boues toxiques et autres déchets industriels sont déversés dans les eaux du monde’’. »
Et Franck Courchamp de s’interroger sur les suites de la session de l’IPBES :
« A partir de demain, un autre travail commence, celui de faire connaître les résultats du rapport au monde. Mais les médias vont-ils bien relayer le message ? Les gens vont-ils comprendre la situation ? Vont-ils s’en souvenir après la pub ? Vont-ils avoir la force non seulement d’accepter les changements nécessaires, mais aussi de les souhaiter et de les mener ? Ou bien est-ce qu’on va à nouveau en parler une journée seulement, juste pour faire le buzz et passer rapidement au score magnifique de Liverpool-Barcelone ? La réponse est vite donnée le lendemain, lorsque, invité au journal d’une chaîne de télé, on m’annonce que j’aurai trois minutes, sur un journal de plus d’une heure. Et que je vois, avant d’entrer sur le plateau, qu’on y consacre bien plus de temps à la naissance d’un bébé dans une famille royale outre-Manche. »
Gouvernements, à commencer par celui d’Emmanuel Macron-Jupiter, et médias ferment les yeux ; ils ont une responsabilité immense dans la situation catastrophique dans laquelle s’enfonce notre planète. Il y a, de leur part, non-assistance à personnes en danger, à planète en danger.
Il faudra plus que des plateformes de scientifiques pour changer le cours des choses avant qu’il ne soit trop tard, mais d’une révolution, pour changer le système capitaliste et mettre en œuvre les remèdes : ceux-ci existent, ils sont connus de tous. Les politiques au pouvoir aujourd’hui, tous liés aux industriels mondialisés à la recherche du profit immédiat le plus élevé possible, sont discrédités, les populations qui souffrent doivent prendre conscience qu’elles seules peuvent agir pour des jours meilleurs sur une planète en bonne santé.