L’Humanité d’aujourd’hui pose la question de façon sournoise : à quoi sert un journaliste ? Le journaliste perfide qui ose s’interroger de la sorte, rit en fait sous cape (mais s’indigne, serait plutôt approprié). Il écrit donc :

« Pour les deux candidats encore en lice à l’élection présidentielle, la réponse est simple : passer les plats ».

Cela demande explication. Le confrère dévoile les raisons de son indignation, traitée sur le ton de la plaisanterie :

« Emmanuel Macron et Marine Le Pen ont, tous les deux, refusé que la présentatrice du JT de 20 heures de France 2, Anne-Sophie Lapix, coprésente le débat de l’entre-deux-tours. »

Voilà un point sur lequel les deux protagonistes sont d’accord (ils en ont d’autres). Mais qui en dit plus long que certaines thèses sur le mépris affiché par les deux candidats pour la profession, et, au bout du compte, pour le débat démocratique.

Dit autrement : on veut bien débattre entre nous, mais ne venez pas nous ennuyer avec des questions qui fâchent et qui risqueraient d’éclairer le citoyen.

Cette situation est inimaginable dans d’autres pays que la France. On le dit et on le répète à chaque élection ou à chaque intervention présidentielle. Elle est une nouvelle preuve que notre démocratie est bien malade et le débat réduit à quelques invectives pour mieux éviter les grandes questions.

Cela dit, Anne-Sophie Lapix est certes pugnace, mais elle n’est pas une dangereuse révolutionnaire. Elle ne travaille pas à L’Humanité, au Canard enchaîné ou à Médiapart. Mais elle n’est pas suffisamment docile ; elle ne passe pas les plats tels que les aiment Emmanuel Macron et Marine Le Pen.

L’épisode est cruel pour les deux ‘’journalistes’’ qui ont été retenus par le duo des deux candidats : Léa Salamé et Gilles Bouleau. Ils sont condamnés a priori. On ne s’en étonnera pas tant ils ont déjà apporté la preuve de leur conception du journalisme. Aux ordres des puissants.

On n’attendra donc rien du fameux débat d’entre-deux-tours et on pourra s’éviter de le regarder. Un bon livre fera l’affaire ce soir-là.