La cinquième puissance économique du monde est en crise à cause de ce terrible coronavirus et elle démontre que sa puissance n’est qu’un château de cartes, ridicule et dérisoire.

Ses hôpitaux sont sa honte et seuls le dévouement des personnels permet de soigner les citoyens contaminés. Mais ils soignent à mains nues : sans masques et sans respirateurs en nombre suffisant. Ils sont exténués parce que les gouvernements successifs ont supprimé des emplois, des lits et imposé de la rentabilité comme dans l’entreprise.

Le docteur Christophe Prudhomme, médecin urgentiste et porte-parole de leur association, syndiqué CGT, parle haut et dénonce l’incurie de Macron et son gouvernement :

« Gouverner, c’est prévoir, messieurs. Et vous n’avez rien prévu à temps. Nous, urgentistes, demandons que tous les moyens industriels, logistiques et humains de notre pays soient mobilisés immédiatement pour que notre système de santé puisse répondre aux besoins des patients. Il faut arrêter toutes les autres activités non essentielles. Nous refusons d’être en situation de sélectionner les malades qui pourront aller en réanimation et ceux qu’il faudra laisser mourir par manque de moyens. »

Emmanuel Macron et Edouard Philippe ont vanté leurs dernières initiatives. Christophe Prudhomme, lui, fustige le recours à ce dérisoire ‘’hôpital de campagne’’ dressé à Mulhouse ; hier il a dénoncé les trains sanitaires ; son avis détonne sur France 2 à 13h car, jusque-là les médias s’extasiaient. Son interview n’a d’ailleurs pas été reprise au journal de 20h :

« Les trains sanitaires, c’est beaucoup de personnel pour très peu de patients. Or, nous manquons de personnel. Pour nous, l’organisation de ces trains sanitaires est un gâchis. Pour le premier train, 150 personnes ont été mobilisées pendant 24 heures pour transférer 20 patients (…) Plutôt que de transférer les patients, transférons les respirateurs ! »

La tonalité n’est pas différente dans la Lettre de l’intérieur d’hier, l’excellente initiative d’Augustin Trapenard, sur France Inter. Annie Ernaux s’est adressée à Emmanuel Macron depuis Cergy-Pontoise, sa ville de toujours :

« Je vous fais une lettre/ Que vous lirez peut-être/ Si vous avez le temps ». À vous qui êtes féru de littérature, cette entrée en matière évoque sans doute quelque chose. C’est le début de la chanson de Boris Vian Le déserteur, écrite en 1954, entre la guerre d’Indochine et celle d’Algérie. Aujourd’hui, quoique vous le proclamiez, nous ne sommes pas en guerre, l’ennemi ici n’est pas humain, pas notre semblable, il n’a ni pensée ni volonté de nuire, ignore les frontières et les différences sociales, se reproduit à l’aveugle en sautant d’un individu à un autre. Les armes, puisque vous tenez à ce lexique guerrier, ce sont les lits d’hôpital, les respirateurs, les masques et les tests, c’est le nombre de médecins, de scientifiques, de soignants. Or, depuis que vous dirigez la France, vous êtes resté sourd aux cris d’alarme du monde de la santé et ce qu’on pouvait lire sur la  banderole d’une manif  en novembre dernier – L’état compte ses sous, on comptera les morts – résonne tragiquement aujourd’hui. Mais vous avez préféré écouter ceux qui prônent le désengagement de l’Etat, préconisant l’optimisation des ressources, la régulation des flux,  tout ce jargon technocratique dépourvu de  chair qui noie le poisson de la réalité. Mais regardez, ce sont les services publics qui, en ce moment, assurent majoritairement le fonctionnement du pays : les hôpitaux, l’Education nationale et ses milliers de professeurs, d’instituteurs si mal payés, EDF, la Poste, le métro et la SNCF. Et ceux dont, naguère, vous avez dit qu’ils n’étaient rien, sont maintenant tout, eux qui continuent de vider les poubelles, de taper les produits aux caisses, de livrer des pizzas, de garantir cette vie aussi indispensable que l’intellectuelle, la vie matérielle.  

Choix étrange que le mot « résilience », signifiant reconstruction après un traumatisme. Nous n’en sommes pas là. Prenez garde, Monsieur le Président, aux effets de ce temps de confinement, de bouleversement du cours des choses. C’est un temps propice aux remises en cause. Un temps pour désirer un nouveau monde. Pas le vôtre ! Pas celui où les décideurs et financiers reprennent déjà sans pudeur l’antienne du « travailler plus », jusqu’à 60 heures par semaine. Nous sommes nombreux à ne plus vouloir d’un monde  dont l’épidémie révèle les inégalités criantes. Nombreux à vouloir au contraire un monde où les besoins essentiels, se nourrir sainement, se soigner, se loger, s’éduquer, se cultiver, soient garantis à tous, un monde dont les solidarités actuelles montrent, justement, la possibilité. Sachez, Monsieur le Président, que nous ne laisserons plus nous voler notre vie, nous n’avons qu’elle, et « rien ne vaut la vie » – chanson, encore, d’Alain  Souchon. Ni bâillonner durablement nos libertés démocratiques, aujourd’hui restreintes, liberté qui permet à ma lettre – contrairement à celle de Boris Vian, interdite de radio – d’être lue ce matin sur les ondes d’une radio nationale. »

La colère gronde ; les bourgeois qui ont fui Paris et les beaux quartiers peuvent trembler dans leur retraite de province. Avec Macron et sa clique libérale, ils devront rendre des comptes à ceux qui auront réchappé au coronavirus.