L’ironie et l’humour sont très délicats à manier, surtout quand on est Saoudienne et qu’on s’attaque par le cinéma aux interdits d’une société moyenâgeuse et cruelle, dans un pays qui, à l’époque du tournage, ne possédait aucune salle, le cinéma étant considéré comme impur.

Haifaa al-Mansour, seule femme réalisatrice du royaume, a traité avec une rare ironie et un humour dévastateur tous les interdits et obstacles (elle a du, par exemple, se cacher dans une camionnette pour tourner certaines scènes, dirigeant ‘équipe d’hommes par talkie-walkie) pour réaliser un très grand film, Wadjda. 

Wadjda est une petite fille malicieuse et rebelle de 12 ans, qui découvre elle aussi les interdits comme celui de faire du vélo. Il faut du courage (et donc de l’humour) pour faire dire à la directrice de l’école coranique de Wadjda qu’une femme devient stérile en montant sur une bicyclette.

Wadjda (formidable et pétillante Waad Mohammed) découvre sa condition de femme dans un pays patriarcal et déjoue tous les pièges de la société saoudienne. Elle n’est pas naïve (elle comprend toutes les situations avec une rapidité surprenante) et, avec beaucoup d’aplomb et d’intelligence, elle tourne en dérision les interdits dictés par les intégristes au pouvoir.

Le film prend les allures d’une fable féministe ; derrière l’ironie qui déclenche des rires Haifaa al-Mansour dresse un réquisitoire, feutré mais mordant des mœurs de son pays. Elle condamne en fait tous ses tabous et son conservatisme. Wadjda est un formidable hymne à la liberté et à l’égalité femme/homme. Tout se cache dans des détails, innombrables, tout est traité par petites touches. Le film devient vite jubilatoire.

Le succès mérité de son film à l’étranger (à Venise, il a été ovationné) a sans doute permis de desserrer (trop peu) les interdits de la société saoudienne, qui reste (avec d’autres émirats) l’une des plus rétrogrades.

Arte a eu le courage de le programmer en début se soirée et de le faire suivre d’un documentaire allemand de Nadja Frenz, L’islam au féminin, dans lequel des chercheuses, pratiquantes ou encore militantes ont permis de mieux comprendre, par exemple, que l’islam du Coran n’est pas celui des intégristes.

Faouzia Charfi, physicienne tunisienne, explique, par exemple, que la charia n’est pas la loi coranique, que la lapidation de la femme adultère et l’apostasie, c’est-à-dire la condamnation à mort de celui qui renie la religion, n’existent pas dans les textes coraniques.

Une soirée qui fait appel à l’intelligence, c’était bien évidemment sur Arte. La chaîne franco-allemande a donné une leçon de programmation respectant le triptyque information, éducation et divertissement au service public France Télévisions. Mais est-ce surprenant, Arte n’est-elle pas la bonne conscience de la télévision de service public ?