La culture a été dramatiquement absente de la campagne présidentielle et la ministre en charge du dossier est étrangement muette depuis sa nomination.

Cela ne signifie cependant pas un désintérêt de la part des dirigeants politiques du pays et, surtout, des capitalistes. Seulement, les grandes manœuvres se déroulent, selon une expression très à la mode, à ‘’bas bruit’’. Quand les affaires se traitent sans publicité tonitruante, c’est qu’il n’y a rien de bon à en attendre. Il faut aller rechercher l’information avec opiniâtreté pour en comprendre les finalités.

On vient donc d’apprendre que Stéphane Courbit (le producteur de Loft Story) va introduire la société de production Banijay et le groupe de paris en ligne Betclic en bourse. La nouvelle société a été rebaptisée FL Entertainment et sera cotée à la bourse d’Amsterdam pour des raisons d’optimisation fiscale. On apprend également que les actionnaires aux côtés de Courbit (qui détiendra 46 % du capital) seront Vincent Bolloré (qui va en prendre 19 %), Bernard Arnault (LVMH), Marc Ladreit de Lacharrière (Fimalac), Rodolphe Saadé (patron de CMA CGM et qui est candidat au rachat du quotidien marseillais La Provence), Exor (holding de la famille Agnelli) ou encore la Société des bains de mer de Monaco. Du beau monde !

Courbit a expliqué que le leader mondial de la production télévisée entend participer à la concentration d’un secteur jugé trop fragmenté. Les concentrations sont à venir très vite et les programmes de télévision produits par les futurs conglomérats ne répondront qu’à une ambition : faire du profit en fédérant les plus grandes audiences possibles. La culture considérée comme un pur produit de consommation !

Pendant le même temps, la Bibliothèque nationale de France est en grève à l’appel des syndicats CGT, FSU et Sud ; les personnels sont soutenus par l’association des lecteurs et usagers de la BnF (AluBnF) et les sénateurs communistes. Ils dénoncent une politique de destruction d’emplois sous couvert de redéploiement de postes et un recul sans précédent du service au public.

Une pétition des usagers a recueilli plus de 14 000 signatures. La situation est grave, cependant elle reste absente des grands médias.

Celui qui a commencé dans la vie en vendant des livres par correspondance et qui, au fil des ans, a vendu tout et n’importe quoi, qui diversifie son activité dans la télévision (et dans bien d’autres domaines), Jeff Bezos, donc, n’aime pas les syndicats.

Il avait dénoncé la création d’une section de l’Amazon Union Labor (ALU) dans son entrepôt de New York et comme il a la rancune tenace il vient de licencier deux des initiateurs. L’un, Mat Cusick, pour démission volontaire due à un abandon de poste, l’autre, Tristan Dutchin, pour des retards sur les objectifs de productivité (sic).

Bezos fait le ménage dans son entrepôt après avoir dépensé 4,3 millions de dollars pour payer en vain des consultants antisyndicaux : il a licencié 6 cadres supérieurs chargés de faire échouer le vote des salariés et considérés comme responsable de l’échec de la manœuvre patronale.

Bezos craint la contagion de la syndicalisation dans son groupe et il emploie les grands moyens. Lui aussi aime les consommateurs de culture, mais pas les citoyens, cultivés et syndiqués.

Vincent Bolloré partage les sentiments de Bezos et emploie les mêmes méthodes (à iTélé). Comme tous les capitalistes ! La marchandisation de la culture n’autorise aucune entrave : consommes et tais-toi !

Quand la démocratie est autant malmenée, cultivons-nous, émancipons-nous et syndiquons-nous.