La composition du Conseil constitutionnel ne garantit pas sa neutralité ; il participe pleinement aux institutions de la Ve République et, par voie de conséquence, au libéralisme.

Il vient cependant de prendre une décision qui va en faire éructer plus d’un, de Gérard Collomb à Marine Le Pen, en passant par le président de la République, le procureur de Grasse ou des trublions comme Eric Ciotti et Wauquiez. Leurs vociférations sont plutôt réjouissantes !

Saisi par Cédric Herrou, l’agriculteur de la vallée de la Roya, et ses amis, rejoints par la Ligue des Droits de l’homme, l’association SOS Soutien ô sans papiers et la Cimade, le Conseil a pris une décision qui fera date et dans laquelle elle écrit :« Aux termes de l’article 2 de la Constitution : ‘’La devise de la République est Liberté, Égalité, Fraternité » ». La Constitution se réfère également, dans son préambule et dans son article 72-3, à l’« idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité ». Il en ressort que la fraternité est un principe à valeur constitutionnelle. Il découle du principe de fraternité la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national. » 

Notre enthousiasme est certes tempéré par la phrase qui suit immédiatement ; en effet, le Conseil écrit : « Toutefois, aucun principe non plus qu’une règle de valeur constitutionnelle n’assure aux étrangers des droits de caractère général et absolu d’accès et de séjour sur le territoire national. En outre, l’objectif de lutte contre l’immigration irrégulière participe de la sauvegarde de l’ordre public, qui constitue un objectif de valeur constitutionnelle. »

Les deux phrases reprennent hélas les thèses des nationalistes bas du front, qui, se rassemblent autour des personnages aussi répugnants que Salvini ou Orban. Les combats pour la fraternité entre tous les humains quelle que soient la couleur de leur peau ou leur nationalité sera encore un long combat.

Cédric Herrou aura permis de faire reconnaître que « lorsqu’il est apporté une aide au séjour à un étranger en situation irrégulière sur le territoire français, sans contrepartie directe ou indirecte (…) seuls les actes de conseils juridiques bénéficient d’une exemption pénale (…) Si l’aide apportée est une prestation de restauration, d’hébergement ou se soins médicaux, la personne fournissant cette aide ne bénéficie d’une immunité pénale que si cette prestation est destinée à assurer des conditions de vie dignes et décentes à l’étranger. »

Au travers des mots choisis pour formuler cette décision, on imagine que les débats ont dû être âpres et tendus. Mais lire que le délit d’aide aux réfugiés, même avec des restrictions, est anticonstitutionnel nous remplit de joie alors que le gouvernement d’Emmanuel Macron impose une loi visant à fermer nos frontières et à tourner le dos à la devise de la République.

Des centaines de Cédric Herrou dans le pays peuvent relever la tête, fièrement. Il n’est pas sûr, cependant, que ceux qui les pourchassaient et les insultaient, abandonneront le terrain.