Elle avait été nommée ministre de la culture le 17 mai 2017 ; le 10 juillet 2018, le Journal officiel de la République publie un décret dans lequel il est spécifié que « La ministre de la culture ne connaît pas des actes de toute nature relatifs :1. A la société « Actes Sud » ;2. A l’exercice de la tutelle du Centre national du livre ;3. A la régulation économique du secteur de l’édition littéraire. »

Dit plus simplement, Emmanuel Macron, qui décide de tout, découvre le possible conflit d’intérêts d’une ministre qu’il est allé chercher lui-même quatorze mois plus tôt dans sa société d’éditions à Arles et à qui il impose de ne plus s’occuper du livre.

De qui se moque-t-il ce président des riches ? Il n’avait sans doute pas remarqué que Françoise était la patronne d’Actes Sud ? Alors pourquoi son choix s’est-il porté sur une patronne de maison d’édition qui n’avait aucune autre compétence en matière de culture que celle du livre ?

D’autres ministres ont été convaincus de conflits d’intérêts et n’ont pas été l’objet d’un quelconque dessaisissement tel que celui-ci.

Les domaines d’intervention de Françoise Nyssen étaient déjà réduits par la volonté du président de startup de tout contrôler (surtout la presse et l’audiovisuel) ; aujourd’hui, à quoi sert-elle ? Et pourquoi ne démissionne-t-elle pas après un tel désaveu présidentiel ?

La culture n’y perdrait rien de plus ; elle est déjà tellement malmenée par la politique culturelle financiarisée de Macron au moment où le pays en a le plus besoin…

La culture transforme la vie, elle est l’ouverture aux autres et la liberté d’expression. La culture, c’est l’émancipation et le recul des maux de notre présent, le fascisme à nos portes, l’antisémitisme et tout ce qui rabaisse l’homme comme nous en sommes les témoins aujourd’hui. La culture  exige d’aller vers l’élitisme pour tous c’est-à-dire l’inverse de ce que la politique de Macron nous réserve, c’est-à-dire sa marchandisation.

Le mépris affiché pour Françoise Nyssen n’est que l’expression la plus affirmée de Macron pour la culture.

En février 2014, Jack Ralite adressait une longue lettre à François Hollande dans laquelle il écrivait des lignes qui sont encore d’actualité : « Beaucoup de ce qui avait été construit patiemment se fissure, voire se casse et risque même de disparaître. Le patrimoine dans sa diversité, le spectacle vivant dans son pluralisme, l’écriture, les arts plastiques, les arts de l’image et l’action culturelle sont en danger. Faute de crédits suffisants, de personnels, de négociations, de considération et de reconnaissance du travail humain, du respect des métiers, se répandent des malaises, des souffrances, des colères. Le ministère de la culture risque de n’être plus le grand intercesseur entre les artistes et les citoyens. Il perd son pouvoir d’éclairer, d’illuminer. Les collectivités territoriales dont le rôle est devenu immense en culture et en art voient leurs finances brutalisées et réduites par Bercy. L’Europe continue d’avoir une médiocre politique culturelle alors même qu’elle négocie avec les Etats-Unis un Traité de libre échange gravissime pour la culture. Google, l’un des accapareurs des nouvelles technologies à civiliser, limite les citoyens à n’être que des consommateurs et s’installe en Irlande pour ne pas avoir à payer d’impôts en France. »

Sans commentaires ? Si, sous forme de rappel. Emmanuel Macron se vante d’être cultivé et il l’est. Alors, comment peut-il malmener à ce point la culture ? 

A-t-il été corrompu par son entourage qui a sacralisé la marchandisation libérale pour préférer donner au MEDEF plutôt qu’aux acteurs de la culture ? A-t-il oublié les leçons de théâtre de son professeur de lettres, Brigitte Trogneux ?

Honte à lui !