Le paysage politique n’est pas beau à voir ; l’agressivité et la violence sont partout, dans tout l’espace social, comme si les hommes politiques étaient revenus à l’état de nature, passant de l’insulte aux coups.

Le climat est inquiétant. Si on se pose la question : « Où est la gauche ? », on ne se pose plus la question : « Où est l’extrême droite ? », elle est présente partout, jusque dans les discours (ou les Tweets ridicules) de ceux qui osent se prétendre ‘’ni de droite, ni de gauche’’, ministres, candidats à un maroquin dans un gouvernement de Marine Le Pen ou de Macron (peu importe le chef), politiciens en mal de reconnaissance publique et même président de la République.

Le débat d’idées a atteint le degré le plus abject de l’insignifiance ; l’agora est un ring sur lequel on échange des gifles ou de la farine.

L’extrême droite exulte ; télévisions, journaux ouvrent en permanence micros et colonnes à sa rhétorique nauséeuse et liberticide. Les réseaux dits sociaux se font le relais de la haine, jusque dans des vidéos appelant au meurtre.

On ne s’étonne même plus que le président de la République se fasse gifler ; ils sont nombreux à prétendre qu’il la méritait bien cette gifle d’un royaliste, alors qu’elle est le symbole d’une violence entretenue et d’un glissement vers le néant de la politique.

En revanche, cette semaine, un ministre, un gouvernement et un président de la République (le même que celui qui a été giflé par un facho) et le dangereux préfet de Paris ont reçu une gifle qui mérite d’être fêtée : le Conseil d’Etat a jugé illégaux plusieurs dispositions de la fameuse loi du 16 septembre 2020, dite Schéma national du maintien de l’ordre (SNMO). Victoire mémorable pour les organisations syndicales et de défense des libertés.

Parmi les points annulés, on retiendra que, « en l’absence de conditions précises, l’encerclement des manifestants est illégal » ; que « les journalistes n’ont pas à quitter les lieux lorsqu’un attroupement est dispersé » ; que « le ministre de l’intérieur ne peut pas imposer des conditions au port de protections par les journalistes » ; enfin que « le canal d’information dédié aux journalistes ne peut être réservé aux seuls accrédités ».

Le Conseil d’Etat vient d’infliger un nouveau camouflet (le quatrième en quelques mois) à ceux qui préparent les lois les plus liberticides qu’on puisse imaginer pour préparer le terrain à l’extrême droite.

On s’en réjouit ; mais de toutes ces lois rédigées à la hâte par des imbéciles à chaque occasion ou après chaque fait divers, à des fins de communication et votées sans broncher par des députés godillots, il reste toujours quelques articles restreignant les libertés ou déchirant le pacte social.

La gauche ne pourra pas toujours se réfugier derrière le droit et le Conseil d’Etat ; elle doit réagir et retrouver le chemin du combat politique pour mettre fin au néolibéralisme et à l’extrême droite. Les journalistes, eux, ont à se battre contre des hiérarchies relayant avec délectation les discours fascisants ou même carrément fascistes de quelques éditorialistes ou intervenants en mission.

La gifle du Conseil d’Etat n’est pas une fin, mais un début. Sinon, c’est la catastrophe de la peste brune qui nous est promise.