Quentin Müller est un journaliste spécialisé dans la situation des pays du golfe arabo-persique. Sur son compte Twitter il vient d’annoncer l’assassinat par les talibans d’un ex-auxiliaire de l’armée française en Afghanistan ; il s’appelait Basir Jan ; il est tombé sous les balles des talibans à Maydan Shahr, dans la province de Vardak, au sud de Kaboul.

Ils sont 800 comme Basir Jan à avoir été employés comme interprètes par les troupes françaises entre 2001 et 2012. Quentin Müller (avec Brice Andlauer) avait témoigné de la détresse de ces traducteurs (tarjuman en langue dari) après le départ de nos troupes dans un livre, ‘’Tarjuman, une trahison française’’; le gouvernement refusant de les accueillir et de leur d’accorder des visas.

Une mission d’enquête parlementaire avait conclu que les ex-auxiliaires de l’armée française n’étaient nullement en danger. Selon l’un des députés, Jean-Claude Larsonneur (LaREM), ils étaient même traités de menteurs et d’opportunistes. Dans le rapport parlementaire, on peut lire que « les dossiers constitués reposent, dans la très grande majorité des cas, sur des allégations fallacieuses ou des fraudes. Les talibans n’ont jamais officiellement exprimé de menaces à l’encontre de ceux ayant travaillé ou travaillent encore au profit d’autres contingents étrangers. »

On appréciera la phrase « les talibans n’ont jamais officiellement exprimés de menaces » ; dans ce pays bouleversé par des années de guerre, que peut valoir ce ‘’officiellement’’ ?

Quentin Müller nous apprend que Basir Jan avait 34 ans, une épouse et cinq enfants. Aujourd’hui orphelins. Et il rappelle que « dans L’Express, j’avais décrit comment le ministère de la défense se pliait en 4 avec une armée de juristes pour décrédibiliser chaque dossier d’auxiliaires afghans devant le Conseil d’Etat. Question d’économies… Car rapatrier une famille ça leur coûte. »

Le journaliste ajoute que le Conseil d’Etat « avait jugé qu’un traitement en urgence de son dossier n’était pas nécessaire ‘’pour défaut de menace réelle et sérieuse’’… »

La honte envahit ceux qui considèrent avoir une dette envers ces ‘’auxiliaires’’ de l’armée française, mais pas les responsables politiques, qui osent affirmer que les ex-employés de la France ne sont pas aussi vertueux qu’on veut bien le dire.

La patrie des droits de l’homme est gravement malade.