La soirée électorale sur les chaînes de télévision ? Elle a été aussi déprimante que le résultat (avec un score inquiétant) de la bande à la famille Le Pen. Rien n’aura été épargné à ceux qui se font une certaine idée de la démocratie et de la télévision.

La démocratie a perdu en installant en tête la horde brune éructant et ressassant son discours d’exclusion et ses mensonges sur son prétendu engagement social. La télévision aussi ; cet outil d’information, d’éducation et de divertissement a touché le fond, comme on dit.

Le sourire radieux de la fille du milliardaire du parc de Montretout m’est insupportable. Celui, sur commande, d’Anne-Sophie Lapix l’est tout autant. Elle cache son incurie derrière son sourire commercial ; c’est lui qui a valu d’être appelée en remplacement de Davis Pujadas : rendre l’information du néant sympathique !

Le tandem Lapix-Delahousse avait réservé une place pour un invité d’honneur, Bernard Tapie, au prétexte qu’il aurait été engagé dans le combat contre la montée du Front national. Avec tellement de succès qu’il est en tête des élections européennes ! Une séquence indigne du service public, surtout quand le bateleur, malade, ose affirmer que les héritiers du tortionnaire des Algériens ont des convictions, qu’ils ne disent pas plus de bêtises que les partis classiques ou encore, contre toute vérité, qu’il n’y a plus un type pronazi dans ses rangs. Le sommet a été atteint quand l’ex-patron d’Adidas a déclaré que les partis populistes ont un rôle utile, comme le PCF en 1945.

A TF1 on ne voulait pas abandonner la palme de l’odieux à France 2, alors la chaîne en béton avait invité Daniel Cohn-Bendit et Gilbert Collard. Le buzz était programmé. Collard, l’avocat aux enveloppes vides, s’est étonné de la présence de celui avec lequel il était censé s’écharper. Anne-Claire Coudray a justifié le choix de la chaîne en prétendant que Cohn-Bendit avait un passé européen que, selon elle, nul ne peut nier. Ce qui lui a valu le droit de faire le tour de toutes les chaînes.

Les deux hommes ne se sont pas battus mais les téléspectateurs avides de la pensée du néant ont été servis. Les insultes ont fusé. Et la séquence a été reprise par toutes les autres chaînes et même par les sites de la presse écrite. A défaut d’arguments, on a eu droit à un florilège des expressions les plus vulgaires.

France 5 et l’émission C à vous ont poussé l’ignominie à son comble en invitant Daniel Cohn-Bendit à commenter l’épisode le lendemain. Le buzz a fonctionné ; merci TF1 d’avoir eu cette idée géniale.

On a également glosé sur toutes les chaînes à propos de la participation ; elle aurait été massive. Les journalistes ont omis de signaler que la moitié des Français en âge de voter ne s’est pas déplacée pour mettre un bulletin dans l’urne.

Pauvres débats, à l’image du traitement médiatique de la campagne. Pauvre télévision. Pauvre France.

Doit-on encore s’étonner du résultat du parti de Marine Le Pen ?