« Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,

De peine, de sueur et de soleil cuisant

Pour engendrer ma vie et pour me donner l’âme ;

Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,

« Car j’éprouve une joie immense quand je tombe

Dans le gosier d’un homme usé par ses travaux,

Et sa chaude poitrine est une douce tombe

Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux. »

(Extrait des Fleurs du mal, L’âme du vin, Charles Baudelaire)

Ce ne sont pas les gosiers d’hommes usés qui pourront s’emplir de joie en buvant le produit de la vente aux enchères dimanche à Genève de la collection de grands crus de La Romanée de la Maison Bouchard Père & Fils de Beaune !

La bouteille la plus chère de la vente, datant de 1865 a été adjugée 182 600 euros et le lot le plus cher, 12 bouteilles également de 1865, a atteint 1,76 million, soit près de 147 000 euros quand même.

Au total les 1 819 bouteilles, 106 magnums et un jéroboam, soit 1926 flacons ont été vendus 8,7 millions d’euros (soit une moyenne de plus de 4500 euros) !

La Romanée est la plus petite appellation d’origine contrôlée du monde avec 85 ares de superficie, produisant, les bonnes années, environ 3600 bouteilles ; le climat comme on désigne désormais les parcelles d’un terroir viticole associé au cépage et au savoir-faire, est entourée d’autres grands noms du vin bourguignon, Romanée Conti, Richebourg ou encore La Tâche.

Les ultra-riches et les hyper-riches sont friands de ces grands crus, pas seulement pour en savourer l’âme (la qualité des flacons de 1865 n’est pas assurée). Ils ne savent plus comment étaler leurs richesses, comme Mohamed ben Salmane, achetant le faux Léonard de Vinci, Gloria Mundi, pour en faire le tableau le plus cher du monde. Ils affichent ainsi leur morgue, plutôt que leur intelligence.

Ils n’ont que mépris pour la peine et la sueur de ceux qui ont engendrés la vie du vin pour lui donner une âme. Il n’est pas assuré qu’ils sauront apprécier le résultat du travail millénaire conjoint des pauvres vignerons qui ont usé leur dos sur les ceps et de la nature si généreuse quand on la respecte.