Bruno Le Maire, l’auteur qui se prend pour un ministre de l’économie (ou l’inverse), aurait-il des problèmes de compréhension ? Ou, du moins, des problèmes auditifs ?

Ce matin, au cours d’une conférence de presse, celui qui est vent debout contre la taxation des superprofits, a répété à l’issue d’une rencontre avec les marchands d’énergie : « Je suis opposé à des nouvelles taxes, mais nous ne laisserons pas se constituer des rentes sur des prix délirants de l’énergie. »

Le discours de Le Maire ne varie pas d’un iota ! Il est atteint de psittacisme, qui l’empêche d’agir.

Les ‘’marchands d’énergie’’ reçus ce matin à Bercy sont sortis tout sourire du bureau ministériel en se frottant les mains. Ils n’étaient guère inquiets (Macron et Le Maire sont de façon permanente à leur côté pour défendre leurs profits), mais ils avaient besoin que le ministre les cajole quand, la veille, le directeur général de Shell, la première compagnie pétrolière européenne, Ben van Beurden, avait osé affirmer : « D’une manière ou d’une autre, il faut une intervention gouvernementale qui se traduise (…) par la protection des plus pauvres, et cela veut probablement dire que les gouvernements doivent taxer les gens dans cette pièce ».

Fin septembre, Olivier Passet, directeur de la recherche de Xerfi, avait dit la même chose à propos de toutes les grandes entreprises : « Les groupes du CAC 40 enchaînent les records de profitabilité depuis 2020, et cette isolante santé financière renforce le sentiment de leur déconnexion aux réalités du monde et d’une forme d’invulnérabilité. L’énergie flambe, les pénuries se multiplient, et les profits du CAC 40 étaient encore au zénith au premier semestre 2022, dépassant les attentes des analystes, volant de record en record. Et si les bourses ne dévissent pas plus fortement à ce jour, elles le doivent largement à ce facteur. »

Les grands patrons veillent sur les dividendes et ils multiplient les interventions pour éviter toute mauvaise surprise ; la veille de la réunion à Bercy (la date ne doit rien au hasard), l’Association française des entreprises privées (AFEP), qui regroupe 120 grandes entreprises de tous les secteurs d’activité, avait rendu publique une petite plaquette, haute en couleurs, intitulée « Les entreprises de l’AFEP : un apport majeur à l’économie française », dans laquelle on peut lire, entre autres, que ses 112 adhérents ont versé 13 milliards d’euros sur les bénéfices en 2021, sur un total de 59 milliards prélevés par l’Etat sur toutes les entreprises, donc plus que leur part dans l’économie (14 % du PIB Marchand et 24 % de leur chiffre d’affaires réalisé en France).

Au cas où Emmanuel Macron et Bruno Le Maire céderaient sous la pression à ceux qui réclament la taxation des superprofits, l’AFEP a tenu à rappeler qu’elle est « un contribuable français de poids », une petite phrase pleine de sous-entendus.

Faut-il préciser que le président et son ministre ont mieux écouté ce discours-là que celui des organisations syndicales et du honteux patron de Shell, qui, lui, n’est pas membre de l’AFEP.