Les directeurs des quotidiens économiques, Les Echos (propriété de Bernard Arnault) et La Tribune (dont le premier actionnaire est le groupe de services aux entreprises, Atalian) partagent les mêmes angoisses au lendemain de la réélection d’Emmanuel Macron. Ils font des cauchemars à l’idée de voir la gauche unie obtenir la majorité à l’Assemblée nationale et ils inondent leurs pages d’articles fielleux.

Dans leur billet hebdomadaire du samedi, ils ont des phrases étonnamment identiques. Nicolas Barré écrit dans les Echos :

« Plus c’est gros, plus ça passe : Cécile Cornudet s’interroge sur le mystère Mélenchon, cette capacité à proférer des énormités pourtant reprises dans le débat… Pour sauver sa peau, le PS va-t-il perdre ce qui lui reste, son âme, et s’allier aux Insoumis ? C’est le dilemme du moment. »

Philippe Mabille, lui, éructe dans la Tribune :

« Une victoire déjà éclipsée par les Législatives aussi, note Marc Endeweld, alors que dès le 24 avril, Marine Le Pen s’est posée en principale opposante et en chef du rassemblement des « républicains patriotes », au nom desquels elle va mener la bataille du troisième tour au Parlement. Surtout, le vote utile en faveur de Jean-Luc Mélenchon a donné des ailes au leader de l’Union Républicaine qui espère réussir l’absorption de toute la gauche jusqu’à ses franges écologiques. Les appareils du PS et d’EELV vont à la soupe, au risque d’achever ce qui restait de cohérence et de dignité à leurs convictions. Imagine-t-on Jean-Luc Mélenchon en Premier ministre de cohabitation après le 19 juin si une majorité de Français qui n’ont pas voté pour Emmanuel Macron ou bien seulement par défaut décidaient de se venger dans les urnes en juin ? Les deux projets étant incompatibles, sur l’Europe, le nucléaire et la vision de la République, le scénario est improbable mais maintient une pression sur le président réélu à la recherche d’une voie de passage bien étroite, y compris avec ses propres alliés. »

Dans un cas, le Parti socialiste est invité à ne pas perdre son âme de gestionnaire d’une France ultralibérale, comme l’avait fait François Hollande ; dans l’autre, le même PS, mais aussi les écologistes d’EELV, sont accusés d‘aller à la soupe.

Philippe Mabille ne fait pas dans la nuance, car s’il se réjouit de la victoire de Macron et de la défaite de Marine Le Pen, il considère que le plus grave danger pour l’Etat ultralibéral est SURTOUT le projet de la gauche unie.  Plus grave que celui de Le Pen ?

La Tribune exhorte le président de la République à mener la réforme des retraites à son terme et brandit la menace d’une quasi faillite de la France en cas d’échec : « Sans le report de 4 mois par an de l’âge légal de départ pour le porter à 64 ans en 2027, le château de cartes s’effondre ». N’attendons pas le grand soir de 2027 ; les dégâts seraient trop lourds à porter !

Quand Les Echos et La Tribune en arrivent à ce niveau d’argumentation, on se dit que l’ultralibéralisme est en difficulté et que la gauche doit s’unir pour sortir le pays d’une crise sans précédent avec le retour de l’inflation, une dette abyssale, un déficit énergétique, la hausse des taux d’intérêt, etc.

Les libéraux, qu’ils soient patrons ou politiciens, ont une peur bleue d’un embrasement social. Ne serait-ce pas un encouragement supplémentaire à faire taire le chœur des libéraux effarouchés.