Martin Scorsese est le réalisateur américain le plus important de l’époque actuelle. S’il est né à New York, il n’a jamais oublié son ascendance sicilienne, catholique fervente, qui a marqué toute son œuvre immense.

Il a une relation étroite avec le cinéma italien, celui de Fellini en particulier, mais aussi celui des Rossellini, Visconti, De Sica, Antonioni, Bertolucci, c’est-à-dire de son âge d’or. Il parle de leurs œuvres avec un enthousiasme débordant ; il vient de publier un article admirable d’intelligence dans la revue américaine Harper’s Magazine, rendant hommage à ses pairs : « Ces artistes, écrit-il,étaient constamment aux prises avec la question ‘’Qu’est-ce que le cinéma ? »

Scorsese est inquiet de l’évolution du 7eart, en raison, notamment, de l’influence que font peser les plateformes. Il n’élude rien ; même si ses derniers films ont été produits par Netflix.

Il écrit encore que « l’art du cinéma est systématiquement dévalorisé, mis à l’écart, rabaissé et réduit à son plus petit dénominateur commun, le «contenu». Il y a 15 ans à peine, le terme «contenu» n’était entendu que lorsque les gens discutaient sérieusement du cinéma, et il était mis en contraste et mesuré par rapport à la «forme». Puis, peu à peu, il a été de plus en plus utilisé par les personnes qui ont repris les entreprises de médias, dont la plupart ne connaissaient rien de l’histoire de la forme d’art, ou même assez soucieux de penser qu’ils le devraient. «Contenu» est devenu un terme commercial pour toutes les images en mouvement: un film de David Lean, une vidéo de chat, une publicité du Super Bowl, une suite de super-héros, un épisode de série. Il est lié, bien sûr, non pas à l’expérience théâtrale mais au visionnage à domicile, sur les plateformes de streaming qui sont venues dépasser l’expérience cinématographique, tout comme Amazon a dépassé les magasins physiques. D’une part, cela a été bon pour les cinéastes, moi y compris. D’un autre côté, cela a créé une situation dans laquelle tout est présenté au spectateur sur un pied d’égalité, ce qui semble démocratique mais ne l’est pas. Si une vision plus approfondie est «suggérée» par des algorithmes basés sur ce que vous avez déjà vu, et que les suggestions sont basées uniquement sur le sujet ou le genre, alors qu’est-ce que cela fait à l’art du cinéma? »

Après avoir rendu un hommage appuyé à son ami Fellini (« On peut dire beaucoup de choses sur les films de Fellini, mais il est une chose incontestable : c’est du cinéma. Le travail de Fellini contribue largement à définir la forme d’art. »), il lance un appel en direction des plateformes : « nous devons faire comprendre aux propriétaires légaux actuels de ces films qu’ils représentent bien plus que de simples biens à exploiter puis à enfermer. Ils font partie des plus grands trésors de notre culture et doivent être traités en conséquence. »

Pour ces lignes, nous devons un profond respect à Martin Scorsese.