Dans la touffeur de l’été, marquée par une crise climatique sans précédent, une crise énergétique et une crise sanitaire (avec la pandémie de Covid) et une inflation record, les grandes entreprises se vautrent dans l’abondance, si l’on en croit une étude publiée ces jours derniers par une société de gestion anglo-américaine, Janus Henderson.

L’étude portant sur les résultats des grandes sociétés mondialisées n’a pas fait l’objet de la médiatisation qu’elle mérite ; dans le monde des affaires, il faut savoir rester discret et cultiver l’entre-soi, non pas par pudeur mais pour éviter de donner des idées à ces salauds de pauvres qui ne cessent de quémander des augmentations de salaires, des crédits pour l’école, la santé et même pour la culture.

Il est temps d’en venir aux conclusions de l’étude en question, à savoir le versement de dividendes intervenus au deuxième trimestre de cette année 2020.

L’abondance chère à Emmanuel Macron se calcule en milliards. La France se positionne parmi les champions avec 44,3 milliards d’euros versés entre avril et juin, une augmentation record de 32,7 % (supérieure à la moyenne européenne) et parmi les 20 entreprises qui ont été les plus généreuses, on trouve 4 sociétés françaises : BNP Paribas (6e), Sanofi (10e), Axa (12e) et LVMH (14e).

Janus Henderson révèle que les 1200 entreprises étudiées dans le monde ont versés 544,8 milliards de dollars de dividendes entres avril et juin (11 % de plus qu’en 2021). Le fonds de gestion ne fait que constater les effets du libéralisme et il s’en réjouit, même s’il annonce qu’il est peu probable que le reste de l’année bénéficie d’une croissance aussi forte. Mais ce sera à vérifier.

En France, une banque, un laboratoire pharmaceutique, un assureur et un groupe industriel du luxe affichent une santé insolente ; on partage les bénéfices exorbitants entre soi et on pratique l’évitement fiscal pendant que les citoyens voient les prix de l’énergie ou de l’alimentation flamber et les politiques en direction des services publics soumises à l’austérité.

Les riches continuent à voyager en jets privés ou à naviguer dans des yachts démesurés ; les fonds d’investissement n’ont jamais eu autant d’argent disponible à ne plus savoir où le placer. Mais les millions de pauvres se privent de l’essentiel et, de plus en plus nombreux, de manger.

Ce monde-là n’est plus inégalitaire (il l’a toujours été), il est devenu insupportable. Il confisque les richesses produites par les pauvres et confisque le pouvoir. José Saramago (l’un de mes auteurs préférés, on le sait), a parlé de crime (financier) contre l’humanité. Pour lui, « on connaît les criminels, ils ont des prénoms et des noms, ils se déplacent en limousine pour aller jouer au golf, si sûrs d’eux qu’ils ne pensent même pas à se cacher. Ils sont faciles à attraper. Qui osera porter ce gang devant les tribunaux ? Même s’il n’y arrive pas, au moins nous lui en serons tous reconnaissants. Ce serait signe que tout n’est pas perdu pour les honnêtes gens. »