Guillaume Meurice a un esprit acéré et il écrit ses billets dans Siné mensuel à coup de phrases courtes, percutantes. Il interpelle le citoyen et le bouscule volontiers. Opportunément et sans détour.

Dans le numéro de novembre, sous le titre ‘’Ne perdez pas votre temps à lire ceci’’, il frappe fort le consensus mou de notre époque :

« Vous perdez votre temps. Vous nous faites perdre le nôtre. Vous parlez d’une France qui n’a jamais existé ailleurs que dans votre tête. Vous rêvez de pureté. Vous haïssez le multiculturalisme avec des Nike aux pieds, en mangeant une pizza, votre Samsung à la main. Vous avez déjà perdu. Personne ne démélangera les cultures. Personne ne cessera de voyager, de fuir la misère, de tomber amoureux, de se métisser. Vous vous épuisez pour rien. Les dominants vous ont fait croire que le danger, c’était le réfugié sans le sou plutôt que le milliardaire qui vous pique du pognon tous les jours, échappant à l’impôt, imposant sa politique. Vous y avez cru. Ils ont gagné. Ils ont ‘’grand-remplacé’’ les raisons de votre colère. Mais vous valez mieux que ça. Mieux que vos angoisses. Mieux que vos névroses, qui ne sont définitivement pas un programme politique. Posez ce ‘’seum’’ délicatement sur le sol. Les plus virulents d’entre vous jouent au mâle dominant mais attaquent toujours à plusieurs, masqués, dans le dos, chouinent dès qu’un pseudo-gauchiste fait une demi-blague, se planquent derrière le culte de la virilité, des armes. Exactement comme des djihadistes. Allez, passons à autre chose. Passez à autre chose. L’humanité va crever sous le réchauffement planétaire, des milliers d’espèces disparaissent chaque semaine, la pauvreté explose et on débat de la bonté du maréchal Pétain ou des prénoms des gosses. Stop. On a assez perdu de temps. »

En lisant ce billet de Guillaume Meurice, j’ai immédiatement pensé à quelques textes de José Saramago qui interpellait lui aussi les citoyens.

Dans son Cahier, à la date du 17 septembre 2008, il apostrophe, lui, les Italiens à propos de Silvio Berlusconi :

« Le peuple italien doit certainement en savoir beaucoup plus que moi, lui qui une, deux, trois fois l’a installé sur le siège de premier ministre. Or, comme on l’entend souvent dire, les peuples sont souverains, ils sont aussi sages et prudents, surtout depuis que l’exercice continu de la démocratie a apporté aux citoyens certaines connaissances utiles sur la façon dont fonctionne la politique et sur les différentes manières d’atteindre le pouvoir. Ce qui signifie que le peuple sait très bien ce qu’il veut quand il est appelé à voter. Dans le cas concret du peuple italien, c’est de lui dont je parle et non d’un autre – son tour viendra -, il est démontré que l’inclination sentimentale qu’il éprouve pour Berlusconi, et qu’il a manifesté à trois reprises, est indifférente à toute considération d’ordre moral. De toute façon, au pays de la Mafia et de la Camorra, qu’elle importance peut bien avoir le fait établi que le premier ministre soit un délinquant ? Dans un pays où la justice n’a jamais joui d’une bonne réputation, qui s’arrange surtout pour que le premier ministre fasse approuver des lois en fonction de ses intérêts, se protégeant ainsi contre toute tentative de punition de ses manquements et de ses abus d’autorité ? »

De ces deux textes, il faut en tirer la conclusion que la démocratie est bien malade, à l’agonie même. Partout. Perdons du temps à lire ceci et cela pour réagir, vite et fort, pour rétablir une vraie démocratie dans tous les pays. Pour ne plus revoir les Berlusconi, Sarkozy, Macron et leurs semblables.

Il y a urgence pour sauver la démocratie et la planète à entreprendre un grand remplacement, celui des ultralibéraux.