Le ciel est bas, il pleut. La température est douce, le vent souffle, fort. Un dimanche peu engageant.

La Grande-Bretagne a quitté l’Union européenne, Macron, Merkel et autres ne semblent pas en avoir compris les raisons. Aveuglement.

Les députés de la République dite en marche et la ministre du travail s’opposent à l’allongement du congé des salariés après le décès d’un enfant, Macron se voit obligé de les appeler à plus d’humanité. Paradoxe.

Le coronavirus tue des centaines de personnes, d’abord en Chine, les capitalistes sont aux abois, non par compassion pour les morts mais pour leurs activités (trop) étroitement liées à l’industrie chinoise. Egoïsme.

Le Conseil d’Etat retoque tous les projets de lois présentés par le gouvernement, des députés appellent celui-ci à déclencher l’article 49-3 de la Constitution. Forfaiture.

La majorité des Français, suivant intellectuels, artistes et syndicalistes, déplore les atteintes répétées à la démocratie, Macron et les autres s’insurgent et nient la réalité. Démocrature.

Faut-il relire le Spleen de Baudelaire :

« Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle / Sur l’esprit gémissant en proie aux longs ennuis, / Et que de l’horizon embrassant tout le cercle / Il nous verse un jour noir plus triste que les nuits ;

Quand la terre est changée en un cachot humide, / Où l’Espérance, comme une chauve-souris, / S’en va battant les murs de son aile timide / Et se cognant la tête à des plafonds pourris ;


Quand la pluie étalant ses immenses traînées / D’une vaste prison imite les barreaux, / Et qu’un peuple muet d’infâmes araignées / Vient tendre ses filets au fond de nos cerveaux,


Des cloches tout à coup sautent avec furie / Et lancent vers le ciel un affreux hurlement, / Ainsi que des esprits errants et sans patrie / Qui se mettent à geindre opiniâtrement.

Et de longs corbillards, sans tambours ni musique, / Défilent lentement dans mon âme ; l’Espoir, / Vaincu, pleure, et l’Angoisse atroce, despotique, / Sur mon crâne incliné plante son drapeau noir. »

Faut-il plutôt se dire qu’on n’est pas seuls, entendre la colère qui s’exprime depuis deux ans sur les pavés des ronds-points ou des grands boulevards ?

Oublions le mal de vivre de Baudelaire et préférons lui ces vers d’Aragon dans son recueil Les Poètes (1960) :

« Songez qu’on n’arrête jamais de se battre et qu’avoir vaincu n’est rien / Et que tout est remis en cause du moment que l’homme de l’homme est comptable / Nous avons vu faire de grandes choses mais il y en eut d’épouvantables / Car il n’est pas toujours facile de savoir où est le mal où est le bien / Et vienne un jour quand vous aurez sur vous le soleil insensé de la victoire / Rappelez-vous que nous avons aussi connu cela que d’autres sont montés / Arracher le drapeau de la servitude à l’Acropole et qu’on les a jetés / Eux et leur gloire encore haletants dans la fosse commune de l’histoire. »

Aragon écrit encore :

« Il faut regarder le néant / En face pour savoir en triompher. »

Pour triompher, il faut s’armer. Quoi de mieux que de lire les 1000 pages du ‘’Manuel indocile de sciences sociales’’ de la Fondation Copernic. Plus de 100 sociologues, économistes, historiens, professeurs, syndicalistes « ravitaillent en savoirs résistants » et arguments pour mieux combattre le spleen et l’adversaire de classe. Pour que le vent change. Et vienne le soleil insensé de la victoire !