La collection Tracts de Gallimard s’est enrichie de deux numéros (36 et 37) qu’il faut absolument lire en cette période où règnent la confusion, le mensonge, les promesses. Deux numéros, pour faire bref, qui rendent intelligents et éclairés.

Le numéro 36, passionnant, est l’œuvre d’un magistrat, Eric Alt, et d’une avocate, Elise Van Beneden respectivement vice-président et présidente de l’association Anticor ; son titre : Résister à la corruption.

Très argumenté, cet essai démonte toutes les facettes de ces abus de pouvoir qui gangrènent la démocratie. C’est en même temps un appel vibrant à la Résistance (Rendre le pouvoir aux citoyens, titre du chapitre de conclusion) pour lutter contre un fléau qui coûte cher à tous.

Anticor a été menacée de perdre son agrément qui « permet d’exercer une prérogative qui dérange souvent le pouvoir », parce qu’elle dénonce les ‘’petites affaires’’ des corrupteurs et des corrompus et constitue « un remède aux entraves de la justice ».

Lire l’essai est un acte citoyen.

Le numéro 37 est tout autant passionnant et instructif ; son titre est sans ambiguïté : Santé publique, année zéro. Il est l’œuvre de Barbara Stiegler (déjà auteur du numéro 23, De la démocratie en pandémie) et de François Alla. Barbara Stiegler est professeure en philosophie politique et François Alla, praticien hospitalier et professeur de santé publique.

Les deux auteurs s’étaient rencontrés lors d’une conférence, avant la pandémie, sur le thème dont ils écrivent qu’il était prémonitoire : « La prévention en santé menace-t-elle nos libertés ? »

Eux qui ont « pris le parti de la santé publique », ont uni leurs savoirs et leurs études pour analyser avec une rare clarté le mécanisme d’une idée fausse : « Si nos libertés publiques avaient bien été remises en cause et si notre démocratie avait bien été suspendue, c’était pour notre bien, car c’était pour notre santé. »

La démonstration, chronologique, est brillante et sans appel. Les deux auteurs constatent que le dispositif de santé publique n’est plus qu’un « grand champ de ruines » et ils appellent les lecteurs à conclure, et donc à agir, à quitter l’état de sidération pour se « mettre en mouvement » et relever les ruines.

Leur essai est une condamnation sans concession des mesures prises par Emmanuel Macron et son gouvernement pour sortir de la pandémie. Les faits sont rappelés et éclairent nos raisons. Là aussi, il s’agit d’un essai que tous les citoyens devraient avoir lu pour sortir de l’opposition entre deux camps, les défenseurs de la santé publique et les partisans des libertés et de la démocratie.

Les deux essais se font écho en mettant en accusation un système ultralibéral où les services publics sont sacrifiés et les riches trouvent justifiés leurs privilèges, y compris celui de corrompre et d’être corrompus.