Le pape François est une bonne personne, qui n’hésite pas à bousculer la Curie romaine pour ramener l’Eglise romaine à ses fondamentaux. Mais pas seulement. Il bouscule aussi les dogmes et certains textes bibliques. Ne vient-il pas de déclarer que l’enfer n’existe pas. Il y a de l‘émoi sous les soutanes au Vatican et le collège des cardinaux éructe.

Pour les nombreux éditocrates français subjugués par le vibrionnant président de la République, en revanche, l’enfer existe bel et bien ; ils l’ont rencontré : il est peuplé des milliers d’âmes pécheresses des cheminots qui ont décidé de mettre les trains à l’arrêt. Ces âmes malfaisantes s’adonneraient à la gréviculture à la SNCF.

Les éditocrates, donc, ont dépêché leurs soutiers (bardés de diplômes) pour réaliser des micro-trottoirs (débiles) et recueillir les paroles de colère des usagers (et seulement elles) afin d’alimenter leurs commentaires fielleux sur le thème d’un mouvement pénalisant pour les usagers, injustifié, visant à détruire le système ferroviaire français). Les jours doivent être noirs, la France doit broyer du noir. Le noir est la couleur tendance des jours à venir.

Les éditocrates reprennent les poncifs guerriers : nous assisterions à une guerre idéologique (pire que celle menée par Daech ?). Sur France 2, le soutier de service a même rencontré la première victime de la grève (quel scoop !). Certains ont même ressorti le nombre de jours de grève des cheminots depuis 1947.

Bref, la grève des cheminots ne serait que du pur dogmatisme quand la réforme est, elle, absolument nécessaire ; le gouvernement, lui, fait preuve d’une détermination tranquille, totale et d’un sens absolu du dialogue. Les éditocrates se rassurent comme ils peuvent, mais ils polluent les médias avec leur parti pris pour le libéralisme et avec leurs clichés éculés et mensongers.

On nous ressasse dans tous les grands médias qu’il n’y a, dans la réforme, aucun projet de privatisation de la SNCF ; donc rien ne justifierait la sempiternelle prise en otage des Français, resservie à chaque mouvement social.

Par un curieux retournement sémantique, ce sont les salariés luttant pour de meilleures conditions de travail et pour des salaires décents, qui sont les âmes pécheresses d’aujourd’hui. L’enfer, ce ne sont plus les Temps modernes de Chaplin et des salariés surexploités, mais la SNCF peuplée de cheminots syndiqués (quel gros mot absolu) et irresponsables.

Pauvre journalisme de manipulation des esprits !

Emmanuel Macron, ancien élève de la Providence à Amiens, sous tutelle Jésuite, va devoir appeler à une nouvelle croisade contre les âmes damnées qui gangrènent la France start-up, au risque de froisser un pape décidément bien encombrant.