Lula ira en prison. Ainsi en ont décidé les plus corrompus des politiques brésiliens et les plus veules des juges. Lula est victime de ce qu’il faut nommer son nom, une justice de classe.

Lula est le septième d’une famille de huit enfants ; son père était docker et lui est devenu ouvrier métallurgiste chez Volkswagen, après avoir quitté l’école à 10 ans pour pallier l’absence d’un père qui avait abandonné femme et enfants. 

Lula a alors connu les petits boulots de rue, cirant des chaussures ou vendant des cacahuètes pour vivre ou plutôt survivre, lui et ses sept frères et soeurs. Ensuite, il est devenu ouvrier métallurgiste chez Volkswagen.

Lula a connu la prison à plusieurs reprises sous le régime dictatorial de l’armée, celle qui participa à l’opération Condor, la coordination des dictatures latino-américaines pilotée par la CIA. 

Lula, authentique tribun proche du peuple dont il était issu, a accédé à la présidence de son pays et a lancé un programme d’allocations familiales baptisé « Bolsa Familia », puis un autre programme destiné à lutter contre la malnutrition, Fome Zero (Faim Zéro). Les pauvres l’en remercient encore.

Mais que Lula, un pauvre ouvrier, ait pu accéder à la présidence d’un grand pays comme le Brésil pour mettre en place un autre modèle social est insupportable à ceux qui en avaient fait leur pré carré. Les élites autoproclamées, ici ou là, ne partagent le pouvoir ; elles le confisquent, toujours, peu importe les moyens employés pour y arriver.

Un grand nombre de pays latino-américains avaient cependant réussi à éradiquer les dictatures, c’est-à-dire les fantoches des oligopoles, et à s’affranchir de la tutelle de la CIA et des compagnies américaines qui avaient fait main basse sur les ressources du continent.

Les Etats-Unis n’ont jamais accepté leurs défaites, cuisantes et humiliantes, politiquement et économiquement ; aujourd’hui, à coup de milliards de dollars ils ont réussi à écarter plusieurs vrais démocrates, élus démocratiquement et appliquant démocratiquement des programmes progressistes.

Lula a été l’une des victimes du retour de ceux qui se considèrent comme les maîtres du monde sur l’Amérique latine. Ils n’ont reculé devant aucune manipulation pour faire tomber les progressistes. Lula, lui, a été accusé de corruption. Il a été démis sans preuve irréfutable, au terme de procès iniques, malgré le soutien de son peuple.

Aujourd’hui, la situation de Lula me rappelle un très beau poème extrait du Canto general de Pablo Neruda, le Chilien victime de Pinochet, intitulé « La United Fruit Co » :

« Quand la trompette a sonné, tout était déjà prêt sur terre. Jéhovah a divisé le monde entre Coca Cola, Anaconda, Ford Motors et d’autres cartels : la société Frutera Inc se réserva le plus juteux, le centre côtier de ma terre, la douce hanche américaine.

Elle rebaptisa ses terres en «Républiques bananières» et sur les morts endormis, sur les héros pleins d’inquiétude qui avaient conquis la grandeur, la liberté et les drapeaux, elle instaura l’opéra bouffe: elle aliéna l’initiative, offrit des trônes de Césars, dégaina l’envie, attira les dictature des diptères, mouches Trujillo et Tachos, Carías et Martínez, mouches Ubico, mouches humides d’humble sang et de confiture, mouches soûlardes qui bourdonnent sur les tombes du peuple, mouches de cirque, mouches savantes, mouches expertes en tyrannie.

Parmi les mouches sanguinaires la Frutera jette son ancre, amoncelant fruits et café dans ses bateaux qui glissent tels des plateaux portant le trésor de nos campagnes submergées.

Pendant ce temps, dans les abîmes aux relents de sucre des ports, des indiens tombaient enterrés dans la vapeur du petit jour : un corps qui roule, un petit rien sans nom, un numéro à terre, une grappe de fruit sans vie répandue dans le pourrissoir. »

Poème admirable, qui rappelle que la bête immonde ne fait que sommeiller quand elle ne chasse pas. Nous avons un devoir vis-à-vis de Lula, le sortir de prison et laisser le peuple brésilien rester maître de son avenir.