Le 1er mai 2020 a un goût particulier sans ses traditionnelles manifestations festives, qui célèbraient, hier, les luttes pour la journée de travail de 8 heures et, aujourd’hui, la réduction du temps de travail, la retraite à 60 ans, la revalorisation des salaires, la défense des services publics, etc.
Goût particulier avec un président de la République qui, après avoir réduit les droits des salariés en s’en prenant au code du travail, tenté d’affaiblir les syndicats, prétend avoir une pensée pour les organisations syndicales et pour les travailleuses et les travailleurs. Quel culot !
Je croyais rêver en entendant celui qui a, à plusieurs reprises, exprimé son mépris pour ceux qui n’ont rien, vanter les mérites de l’esprit de solidarité entre les travailleurs. Grâce à qui la Nation tient, a-t-il ajouté. Pareil hommage était inattendu de sa part ; les sondages calamiteux n’y sont sans doute pas étrangers.
Les travailleurs aujourd’hui au chômage, total ou partiel, et les autres ne se sont pas laissés tromper par un discours une fois encore emprunt de démagogie et suintant le mensonge.
Les salariés en ce début du ‘’joli mois de mai’’ attendent des actes et non des déclarations. Ils ne se laisseront plus berner par les promesses. Car le monde dans lequel on vit a été sculpté au fil des années par Emmanuel Macron et ses prédécesseurs. Et il est de plus en plus cruel et inégalitaire.
Tiens, un exemple.
Le groupe pharmaceutique Sanofi va distribuer au début de la semaine 3,95 milliards de dividendes, malgré les appels du gouvernement de s’abstenir cette année. La somme est vertigineuse et provoque un profond malaise : c’est un fabricant de médicaments qui va enrichir encore plus ses seuls actionnaires quand l’hôpital manque de tout. Pis, Sanofi se glorifie de verser un dividende de 3,95 euros sur les bénéfices 2019 en augmentation pour la 26e année consécutive.
Sur le dos de qui s’enrichit l’industrie du médicament ?
Sanofi a une réputation sulfureuse ; ses 100 000 salariés dans le monde connaissent sa politique sociale forte de multiples plans de licenciements, dont un est encore en cours dans le secteur de la recherche et développement. Les malades à qui on a prescrit la Dépakine conservent un souvenir douloureux du laboratoire, eux aussi.
L’histoire se répète trop souvent ; les fonds publics font la courte échelle aux intérêts particuliers. Sanofi avait été créé, en effet, par le groupe public Elf Aquitaine en 1973, avant de s’émanciper et de se livrer aux capitaux privés. Ses deux principaux actionnaires aujourd’hui sont L’Oréal (de la famille Bettencourt) avec 9,43 % du capital, et le fameux fonds américain BlackRock (5,9 %). Ces deux groupes toucheront ainsi plus de 450 millions d’euros de dividendes pour le premier et près de 300 millions pour le second.
Les sommes donnent le vertige et, surtout, provoquent un profond malaise : en 2017, Sanofi a reçu 561 millions d’euros de remboursement de la Sécurité sociale.
La colère des caissières des grandes surfaces qui espéraient toucher une prime de 1000 euros et devront se contenter de miettes, des salariés de La Halle qui vont devoir aller pointer à Pôle emploi, des soignants, des éboueurs, des enseignants et de l’ensemble de ceux qui triment comme les livreurs de Deliveroo pour gagner un salaire de misère, devra s’exprimer fort pour que les prochains 1er mai soient joyeux pour tous et non pour les seuls voyous de la finance comme Sanofi.
Au nom de la solidarité dont il a parlé ce matin, pourquoi Emmanuel Macron n’a-t-il pas réquisitionné les dividendes versés par Sanofi ? L’hommage aux travailleurs aurait eu du sens.