Sans doute Dante avait-il raison de placer l’Elysée dans le premier cercle de l’enfer. La Divine Comédie, ce chef d’œuvre absolu, n’avait fait qu’anticiper notre situation de confinés, privés de culture par le maître contemporain de l’Elysée.

La chute est cruelle, en effet : De Gaulle avait appelé Malraux rue de Valois ; Pompidou, son successeur, nous a laissé un formidable centre d’art contemporain. Puis Mitterrand a appelé Jack Lang rue de Valois, quand son successeur, Chirac, s’est penché, lui, sur les arts premiers du quai Branly. Même Giscard d’Estaing a voulu laisser une trace avec le musée d’Orsay.

On n’ira pas jusqu’à affirmer que ces quatre présidents ont eu une grande politique culturelle ; les opérations de prestige n’ont jamais fait une politique culturelle, mais les budgets avaient augmenté.

Ensuite Sarkozy et Hollande ont engagé une politique de restriction qui s’achève avec un Emmanuel Macron pour qui la culture n’est pas essentielle. La chute est vraiment trop cruelle et nous fait haïr un peu plus la startup nation.

Un sale virus fait éclater au grand jour cette politique d’abandon : la culture est bannie de notre quotidien au moment où nous en aurions encore plus besoin.

Plus de cinéma, plus de théâtre, plus d’expositions, les bibliothèques et les librairies fermées un temps ; le paysage culturel est désolant, affligeant.

Il nous reste, fort heureusement, la lecture.

A défaut d’avoir pu aller visiter ‘’Les musiques de Picasso’’, à la Philharmonie de Paris, je me suis replié sur le catalogue de l’exposition, un très beau cadeau. Sublime. Prodigieux. Certes, il manque la vue directe, en vrai, des œuvres du génie de la peinture, mais la trentaine de contributeurs nous font presque oublier l’absence des toiles de Picasso.

Certains dénonceront une exposition de plus sur Picasso ; une exposition pour faire du fric parce que Picasso fait courir les visiteurs. A ceux-là je réponds que le thème n’avait jamais été abordé dans toutes ses dimensions.

Et l’intelligence, l’érudition incomparable des différents textes constituent une somme incroyable. Je croyais connaître beaucoup de choses sur Picasso et tous ont réussi à me surprendre, car son œuvre s’est nourrie de toutes les musiques dès son enfance et sa jeunesse. Puis ses amitiés avec les ballets russes, Satie, Falla, Stravinski, Francis Poulenc, ont inspiré des toiles majeures ; sans ces textes, il est difficile, parfois, de faire le lien.

Quelle belle surprise aussi de lire sous la plume de Diana Widmaier-Picasso que Picasso entretint des rapports avec des rappeurs.

Bref, le catalogue est d’une richesse pédagogique étonnante. En le lisant et en regardant les photos des œuvres, on quitte rapidement le premier cercle de l’enfer pour rêver au génie créateur de Picasso et l’apprécier, puis pour nous faire oublier la crise en nous faisant grandir au contact d’un tel artiste. N’en déplaise à Macron.