Ils maîtrisent mieux le mépris de classe que la connaissance de l’industrie du cinéma ; cela les qualifie pour écrire dans des quotidiens célèbres et de pérorer. Ils étaient bien sûr présents à l’Olympia pour la cérémonie des Césars et ont écrit de longs articles. Hélas.

Pour l’un d’eux « La réouverture des salles de spectacle et des cinémas fut au cœur des allocutions de plusieurs récipiendaires, donnant l’impression un peu agaçante que seuls les professionnels du septième art, prenant l’audience à témoin, avaient souffert de la pandémie. »

Pour un autre, le titre résume tout le reste : « César 2021 : la cérémonie la plus calamiteuse de l’histoire ? » (Avec un point d’interrogation quand même) Mais l’introduction efface l’interrogation : « Entre tribunes politiques tous azimuts et blagues douteuses, la 46eédition de la prestigieuse cérémonie a oublié l’essentiel, de parler de cinéma. »

Un autre s’est caché derrière un pseudonyme pour éructer sur Twitter : « Soirée des Césars : vulgarité, chiant, discours politisé, humour nul, soirée ratée. Bref un meeting de la France Insoumise qui fait que je ne mettrai plus un pied dans une salle de cinéma. »

Ces gens-là sont les pisse-froid du journalisme de salon, des dîners du Siècle, des dîners en ville ou de la proximité avec la bien-pensance.

Les pisse-froid suintent le mépris pour tout ce qui n’est pas conformiste ; certains n’hésitent même pas à cultiver le racisme ambiant, le sexisme et l’homophobie. En revanche, ils n’ont jamais un mot pour dénoncer les prêtres pédophiles ou les puissants harceleurs. La nudité de Corinne Masiero les a choqué, alors que l’ex-SDF a envoyé le message le plus insolent pour être le plus fort à une ministre de la culture aux ordres du libéralisme ; celle qui incarne le capitaine Marleau a asséné que la culture est essentielle, violemment, crûment, que la culture doit parfois choquer pour éveiller les consciences.

Les pisse-froid n’ont pas entendu les mêmes discours sur le cinéma que ceux que j’ai sans doute cru entendre. N’ont-ils pas entendu l’écrivain Pierre Lemaître dire : « Une adaptation au cinéma, ce n’est pas la version imagée d’un livre, c’est une œuvre originale, qui s’inspire d’une autre œuvre, originale. C’est le résultat d’un dialogue entre deux créateurs, dont aucun ne doit sortir vainqueur.L’adaptation réussie, c’est comme un livre, relu par une caméra : tout le monde comprend l’histoire, grâce à un autre regard. Une adaptation ratée, c’est… c’est comme des cinémas fermés pendant des mois, en face d’agences bancaires ouvertes tous les jours. Là aussi, tout le monde comprend l’histoire, à savoir qu’on s’est fait niquer dans les grandes largeurs. »

Pierre Lemaître, écrivain reconnu et homme de culture, lui, a osé utiliser un mot grossier. C’en était trop pour les pisse-froid.