Margrethe Vestager Hansen est vice-présidente exécutive chargée de la politique de concurrence au sein de la Commission européenne. Elle est danoise et membre du parti social-libéral et, à ce titre, elle n’est pas une adversaire acharnée de la loi du marché, malgré des déclarations toujours véhémentes. Mais, fonction oblige, encore faut-il faire croire aux peuples européens que les instances bruxelloises veillent à leur bonheur et à leur bien-être.

En commentant la publication de l’enquête préliminaire à propos de l’OPA de Bolloré sur Lagardère, elle a avancé des arguments qui, en toute logique, devraient aboutir au refus de l’opération :

« Des marchés concurrentiels dans le secteur de l’édition de livres favorisent la diversité des idées. Ils permettent à chaque partie de la chaîne de valeur de prospérer, depuis la création de contenus jusqu’à la distribution. L’acquisition de Lagardère par Vivendi réunit deux éditeurs de premier plan de livres en langue française et de magazines grand public. L’opération doit donc faire l’objet d’un examen minutieux car elle pourrait réduire le choix et entraîner une hausse des prix, une accessibilité et une qualité réduites pour les lecteurs de livres en langue française et de certains magazines français. »

Paroles sensées, mais au-delà ?

L’enquête préliminaire a amené la Commission à émettre des ‘’craintes’’ de voir les éditeurs privés de sources de revenus essentielles pour soutenir leurs activités découlant de l’édition des auteurs les plus vendus, d’avoir un accès limité à des services essentiels pour la commercialisation et la distribution de leurs livres, et de voir librairies et lecteurs confrontés, respectivement, à des marges réduites et à une hausse des prix. En revanche, pas un mot sur la défense du pluralisme des idées !

La Commission a cru bon de relever que « l’opération, en combinant trois magazines « people » (Paris Match de Lagardère et Gala et Voici de Vivendi), puisse donner naissance à un leader puissant sur le marché. La Commission craint qu’une telle situation ne nuise à la qualité, à la diversité et aux prix, aux dépens des lecteurs de ce type de magazines. »

Crainte réelle, mais mineure si on la compare au désastre que pourrait engendrer la prise de contrôle d’Hachette par Bolloré ! La vice-présidente de la Commission n’a pas osé aborder les censures dont Bolloré est friand.

La Commission a donc décidé d’engager une enquête approfondie, tout en précisant non sans ironie, que celle-ci « ne préjuge pas de l’issue de la procédure ».

Bolloré a préparé la riposte ; il va balayer les craintes de la Commission du haut de son mépris et réussir son opération, avec l’aide de Macron, Sarkozy, etc., au nom de la création de champions nationaux pour concurrencer les méga-groupes américains.

Les craintes de Margrethe Vestager Hansen seront vite oubliées et les affaires pourront continuer à prospérer.