J’ai déjà parlé d’un recueil des écrits journalistiques de Gabriel Garcia Marquez récemment paru, Le scandale du siècle. Témoignage du grand journaliste que fut l’auteur de Cent ans de solitude, prix Nobel en 1982.
Aucun des articles ne laisse indifférent. Dans une chronique parue le 2 décembre 1980 dans le quotidien madrilène El Pais sous le titre Le nouveau plus vieux métier du monde, il dénonce le proxénétisme, « cette apothéose du machisme » contraignant « des femmes de location » (formule terrible) exerçant « leur métier de routine dans les ruelles de Pigalle ». Il dénonce encore « l’irruption des travestis dans ce monde d’exploitation et de mort » qu’il qualifie avec justesse de sordide.
Dans une autre chronique, parue le 29 décembre 1982, c’est-à-dire après son prix Nobel, sous le titre De Paris, avec amour, il chante sa passion pour « la plus belle ville du monde ». Un amour qui n’allait pas de soi quand, pour sa première visite en décembre 1955 (« C’étaient les temps obscurs de la guerre d’Algérie »), il découvre une ville où « la répression était un spectre insatiable » : « Brusquement, la police bloquait la sortie d’un café ou d’une de ces gargotes arabes du boulevard Saint-Michel, raflait en les matraquant tous ceux qui n’avaient pas faciès chrétien. J’étais immanquablement un de ceux-là. Toute explication était vaine : comme leurs traits, l’accent des Latino-Américains était motif de perdition. »
Les Algériens se défiaient de Gabo, puis « cependant, comme eux et moi avons continué d’être d’assidus visiteurs nocturnes de commissariats, nous avons fini par nous entendre. Une nuit, l’un d’eux me dit que tant qu’à être un prisonnier, mieux valait être coupable qu’innocent, et il me fit travailler pour le Font de libération nationale. Il s’agissait du médecin Hamed Tebbal, qui devint alors l’un de mes plus grands amis à Paris. »
Où il est démontré que Gabriel Garcia Marquez était non seulement un des plus grands écrivains du XXe siècle et un des plus grands journalistes, mais aussi un homme engagé, dénonçant, prenant parti et luttant pour un monde meilleur. Un exemple bien plus convaincant qu’Albert Londres.
Que dirait-il aujourd’hui de la situation quand la chasse à ceux qui n’ont pas le ‘’faciès chrétien’’ est devenu le sport préféré d’un ministre de l’intérieur et de politiciens odieux.