Je ne sais pas si beaucoup de candidats au baccalauréat ayant choisi l’italien pour l’épreuve de langue vivante connaissaient Luca di Fulvio. Mais ils auront appris à le connaître au travers d’un extrait de son chef d’œuvre, Le gang des rêves.

Luca di Fulvio, faut-il le préciser, est l’un des plus grands écrivains italiens d’aujourd’hui et on doit remercier les enseignants d’avoir mis l’un de ses livres en lumière. Quel choix judicieux.

Le gang des rêves entraîne le lecteur dans les pas d’une jeune sicilienne, Cetta Luminata, violée par son patron dans l’Italie des années 1920 ; elle émigre à New York avec son  fils, Christmas, autant pour exorciser son viol que pour vivre le ‘’rêve américain’’.

Roman historique ? Pavé de plus de 700 pages ? Oui, mais quel choc. Luca di Fulvio a un style narratif fascinant. On entre dans son livre et on ne le lâche plus.

Luca di Fulvio dépasse le cadre de l’histoire de Cetta et Christmas, pour nous parler de la condition humaine et même d’aujourd’hui, c’est-à-dire de l’immigration, de la pauvreté, de la précarité. Le rêve se heurte à la réalité en permanence.

Les personnages ont une vraie épaisseur et permettent de toucher à tout ce qui fait la vie sociale, y compris la réalité des gangs au travers des Diamond Dogs que Christmas dirige dans une ville glauque, violente et loin du rêve.

Le Gang des rêves est l’un des romans les plus originaux d’aujourd’hui. Il a connu un très grand succès. Mérité.

Mais Luca di Fulvio n’a pas fini de nous enthousiasmer. Le gang des rêves a été suivi d’un autre roman tout aussi époustouflant, Les enfants de Venise, puis d’un troisième, Le soleil des rebelles, égal aux précédents.

Les enfants de Venise, lui, entraîne le lecteur dans l’Italie du XVIe siècle, où des gamins de Rome, vivant dans les égouts fuient la violence pour aller se réfugier à Venise. Mais la Sérénissime est au moins aussi violente que Rome et Mercurio va découvrir en même temps l’amour et l’antisémitisme avec le premier ghetto de la cité des Doges.

Le livre ne laisse rien au hasard : les personnages sont les nobles sans moralité, mais aussi les prostituées luttant contre la syphilis, les assassins, les faux curés et les faux médecins, les militaires pervers, à l’exception d’un seul.

Le récit est exaltant, puissant et fascine autant que Le gang des rêves. Mais, là encore, Luca di Fulvio nous parle aussi de l’Italie d’aujourd’hui avec son ministre de l’intérieur raciste et fasciste, pervers et menteur, de la pauvreté du petit peuple et d’une religion pesante.

Les enfants de Venise est plus violent que le précédent, mais l’histoire d’amour entre les enfants, Mercurio, l’orphelin vivant dans les égouts, et Guiditta, la juive, sera le plus fort.

Enfin, le dernier roman, toujours historique, de Luca di Fulvio, Le soleil des rebelles, entraîne le lecteur dans le royaume de Saxe au début du XVe siècle.

Là encore, le souffle narratif de l’auteur est intact. Il s’agit d’un autre très grand roman, violent, avec son lot de massacres, d’injustice, de pauvreté.

Après le massacre de son père, le prince héritier, Marcus, est recueilli par des serfs, qui feront son éducation. Il tombe amoureux de la fille, Eloisa, de celle qui le cache. Mais, ici, le jeune prince héritier, avec l’aide du petit peuple, vient à bout des usurpateurs qui ont massacré sa famille et assassinent sans vergogne les gueux. En récompense, il élargit les serfs, leur donne la liberté et les terres qu’ils cultivaient.

Si, les deux premiers romans sont sombres (seul l’amour triomphe), dans Le soleil des rebelles, Luca di Fulvio montre le chemin de la liberté : la lutte et la rébellion.

Luca di Fulvio, conteur d’un immense talent, rejoint ainsi Erri De Luca et Silvia Avallone pour grossir les rangs des écrivains rebelles dans l’Italie des Salvini et autres Beppe Grillo.

Et c’est réconfortant pour l’avenir. Un rayon de soleil vient en effet réveiller les victimes d’une société gangrénée par le refus de l’autre, par une mondialisation qui n’est pas heureuse pour le plus grand nombre, par la violence…

Après le bac, les élèves auront tout loisir d’aller au-delà d’un extrait du Gang des rêves.