Une tribune publiée dans le Monde et signée de la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, de la présidente du Syndicat des avocats de France, Judith Krivine, et de la présidente du Syndicat de la magistrature, Kim Reuflet, est un événement.
Au passage, on notera que les trois syndicats ont élu trois femmes à leur tête !
Quand cette tribune aborde la question de la réforme du travail, il est notoire que le sujet intéresse tous les citoyens ; à ce titre, elle mériterait d’être reprise et commentée par les prétendus grands médias. Or, il n’en fut rien.
La tribune est passée inaperçue dans les médias audiovisuels, y compris ceux du service public.
Le constat n’est pas surprenant : les médias entre les mains de quelques milliardaires se sont depuis longtemps alignés sur la philosophie d’Emmanuel Macron qui méprise les corps intermédiaires comme les syndicats et tente de les marginaliser. Quant à ceux du service public de radio et de télévision, ils sont dirigés par des proches d’un président de la République, qui peut se permettre d’inviter les journalistes de l’émission C à vous à l’Elysée pour lui permettre de s’exprimer sans contradiction.
Pour éviter la contradiction, Emmanuel Macron peut également compter sur quelques éditorialistes qui se gardent de relancer les questions que des collègues à qui on évite de donner la parole ne peuvent poser. Ce fut flagrant le 16 janvier dernier, puisque certains journalistes ont quitté la conférence de presse, exaspérés d’attendre en vain qu’on leur tende le micro. Alexis Lévrier, enseignant-chercheur, peut dès lors dénoncer « cette incapacité de la presse française à se penser elle-même comme un contre-pouvoir face au chef de l’Etat » et « ces éditorialistes qui vivent dans l’entre-soi avec le pouvoir (…) héritage de notre culture de Cour qui persiste ».
Sophie Binet, Judith Krivine et Kim Reuflet, parce qu’elles ne sont pas des courtisanes, ont été invisibilisées, la simplification du droit du travail aussi, pour le plus grand soulagement d’un patronat dont les intérêts sont confortés.
Avec une presse inféodée et une justice fragilisée, la République est entre les mains d’un pouvoir autoritaire et illibéral.