Je me réfère souvent à José Saramago, un des mes auteurs les plus chers, pour qui l’honnêteté était la vertu cardinale. Ses écrits font encore mouche ; ainsi le 3 novembre 2008 dans son Cahier, il pouvait écrire :

« Il y a quelque temps, un politicien portugais, qui avait alors des responsabilités au gouvernement, a déclaré à qui voulait l’entendre que la politique est, en premier lieu, l’art de ne pas dire la vérité. Le pire, c’est qu’après qu’il eut dit cela, pas un seul politicien, que je sache, de la gauche à la droite, n’est venu le corriger en disant que, non monsieur, la vérité devra être l’objectif unique et ultime de la politique. Pour la simple raison que ce n’est qu’ainsi que les deux pourront être sauvées : la vérité par la politique, la politique par la vérité. »

Je suis revenu à son livre et à ses phrases après les déclarations d’Emmanuel Macron mercredi soir à la télévision. Le président de la République a menti en affirmant que la France, c’est-à-dire lui, avait anticipé la deuxième vague du coronavirus, qu’elle avait augmenté la capacité d’accueil en réanimation à l’hôpital et que 1,9 million de tests étaient réalisés chaque semaine.

Tous les médecins hospitaliers ont été éberlués en entendant l’allocution présidentielle : le nombre de lits n’a pas augmenté, les nouveaux infirmiers en réanimation ont reçu des formations qualifiées de sommaire et très insuffisantes, les tests sont effectués sans stratégie et en trop grand nombre, comme l’a affirmé Catherine Hill, épidémiologiste.

On pourrait aussi rappeler à Emmanuel Macron que le conseil scientifique l’avait alerté sur la probabilité d’une deuxième vague dès le 2 juin, puis avait suggéré au gouvernement début septembre de prendre un certain nombre de décisions difficiles. Le président avait alors mal pris les déclarations de Jean-François Delfraissy et l’avait recadré sèchement.

Puis, le 22 septembre, le conseil scientifique avait publié une ‘’note d’alerte’’ et écrivait que « tout retard se traduirait par la nécessité, pour produire les mêmes effets, des mesures ultérieures plus fortes et de plus longue durée que celle qui auraient été prises plus tôt. » Aujourd’hui, nous y sommes. Confinés, assignés à résidence, contraints de remplir des attestations, etc.

Emmanuel Macron a menti et, surtout, n’a tenu aucun compte des avis d’un conseil pourtant mis en place par lui-même.

Le monde du spectacle enrage et Ariane Ascaride a publié une très belle lettre à ce sujet, après que le président eut ignoré les saltimbanques dans son allocution ; les libraires se morfondent et se révoltent ; les commerçants voient leurs clients se tourner vers l’Amazon de Jeff Bezos qui arrondit sa fortune, déjà immense et immonde ; les restaurants et les bars vidés pleurent. Le nombre de ceux qui se détournent de Macron enfle.

Le mensonge ne passe plus et des pans de vérité éclatent. José Saramago avait titré son billet : ‘’Mensonge, vérité’’. On y est.