Des milliers de morts. Emportés par le coronavirus. La période est terrible pour ceux qui s’en vont anonymement, privés du dernier regard de leurs proches ; terrible aussi pour ceux qui vont subir les effets d’une crise sans précédent du monde capitaliste, qui ne connaît qu’un remède, les licenciements, la pauvreté, le chômage, bref les affres monstrueuses d’un monde inégalitaire. Où quelques-uns se vautrent sur des matelas de dollars et d’euros.

Mais, dans cette période terrible, donc, d’autres disparaissent ; ils ne partent pas de façon anonyme, mais presque. Toujours à cause d’une saleté de coronavirus.

Je pense pourtant encore à Michel Piccoli ; cet immense homme de cinéma et de théâtre est décédé à 94 ans, après avoir joué avec les plus grands réalisateurs.

De beaux hommages lui ont été rendus, mais loin de l’hagiographie de circonstance ; tous ont été pudiques à la mesure de son talent.

Un jour, un journaliste avait demandé à Jean-Luc Godard pourquoi il était allé chercher Michel Piccoli en 1963 pour jouer dans Le Mépris ; il répondit simplement et naturellement : « J’ai pris Piccoli, parce que j’avais besoin d’un très, très bon acteur. »

Bertrand Blier, lui, a été subjugué par son jeu d’acteur : « Il avait une diction merveilleuse ; il ne faisait pas l’acteur, il était naturel. »

Jean-Claude Carrière avait connu Michel Piccoli avec Luis Bunuel : « Il avait cette faculté extraordinaire d’entrer dans un personnage ; c’est ce qu’on appelle le déclic. » L’écrivain et scénariste témoigne aussi de sa personnalité : « Au sommet de sa gloire, il y a une quinzaine d’années, je l’ai rencontré dans le métro. Piccoli était dans le métro, tranquille. Tout le monde évidemment le reconnaissait mais pour lui ça ne faisait rien. C’était pas du tout quelqu’un de snob, entiché de lui-même, de prétentieux. Absolument pas. Son rêve était de se faire oublier. »

C’était Michel Piccoli. Qu’on n’oubliera pas.